Thèse soutenue

Nature et cultures : l’environnement naturel dans les chansons populaires du bassin inférieur du Mississippi (1920-1970)

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Auteur / Autrice : Stéphanie Denève
Direction : Nathalie Dessens
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langues, Littératures, Arts et Civilisations du Monde Anglophone
Date : Soutenance le 23/09/2022
Etablissement(s) : Toulouse 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Arts, Lettres, Langues, Philosophie, Communication (Toulouse)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre for anglophone studies (Toulouse ; 1991-....)
Jury : Président / Présidente : Anne Stefani
Examinateurs / Examinatrices : Clint Bruce
Rapporteurs / Rapporteuses : Claude Chastagner, Jean-Daniel Collomb

Résumé

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Cette thèse cherche à répondre à la question suivante : « Comment les communautés qui vécurent dans les plaines alluviales du bassin inférieur du Mississippi entre 1920 et 1970 ont-elles interprété et représenté l’environnement naturel de cette région et leurs interactions avec celui-ci ? ». Les communautés étudiées sont les francophones de Louisiane et les Noirs anglophones de Louisiane et du Mississippi, à travers les chansons créoles et cadiennes et le blues. Le choix des chansons populaires comme sources tient au fait que ces communautés ont laissé très peu de commentaires écrits sur la manière dont elles interprétaient leurs relations à l’environnement dans la première moitié du vingtième siècle et que les productions culturelles orales furent longtemps leur mode d’expression principal. Les enregistrements qui furent conduits par les maisons de disques et les musicologues au XXe siècle constituent donc des témoignages directs précieux pour le chercheur. L’objectif de ce travail est de comparer la façon dont des individus issus de communautés vivant dans un milieu naturel relativement homogène ont évoqué l’environnement dans leurs chansons et d’expliquer les points communs et les différences observées dans leur approche de l’environnement. Par son attention aux relations à l’environnement à travers l’histoire, cette thèse relève du cadre théorique de l’histoire environnementale, et en particulier de son axe de recherche consacré à l’histoire des idées et aux représentations de l’environnement. La méthodologie de cette thèse la place dans le cadre de l’histoire comparée et a aussi emprunté des outils à la sociologie et à l’anthropologie. Enfin, par le support choisi pour cette étude, cette thèse relève de l’histoire culturelle et de l’étude des musiques populaires. Les résultats obtenus après comparaison de 745 chansons font apparaître des points communs mais aussi de grandes différences dans la manière dont les artistes issus des communautés étudiées ont décrit l’environnement et leurs relations avec celui-ci avant 1945. Là où plus de 60 % des chansons de blues mentionnent l’environnement, souvent avec une grande précision, environ 25 % des chansons francophones l’évoquent, généralement d’une manière succincte et peu variée. Ces tendances s’inversent après la Seconde Guerre mondiale, avec une nette diminution des références à l’environnement et de leur variété dans les blues, en particulier du Mississippi, et une augmentation du nombre de références dans les chansons cadiennes, mais pas dans les chansons créoles. Les années 1960 sont marquées par un net rebond du nombre de chansons évoquant l’environnement dans les blues du Delta du Mississippi et dans les chansons cadiennes, mais pas dans les chansons créoles et les blues de Louisiane. En s’appuyant sur une étude approfondie de l’histoire environnementale, économique, politique, sociale, démographique et culturelle de ces trois communautés, cette thèse cherche à identifier les facteurs qui ont pesé dans le choix et la manière d’évoquer l’environnement naturel. Elle montre comment, loin de répondre à un quelconque déterminisme environnemental, les artistes ont utilisé la chanson populaire et les références à l’environnement pour exprimer et faire connaître les préoccupations et les expériences qui étaient les leurs et celles de leur public, parfois pour en rappeler le souvenir des décennies plus tard, mais aussi pour affirmer leur existence, élargir l’espace étroit auquel ils étaient parfois assignés et subvertir ou, au contraire, faire leur les discours politiques, universitaires et commerciaux qui définissaient l’identité de leur communauté en l’associant à la nature. Cette thèse amène à s’interroger sur la pertinence des catégories de départ choisies pour cette étude et sur les présupposés qui ont guidé et guident parfois encore les amateurs de musiques folk et qui ont conduit à la naturalisation de ces formes musicales et des communautés qui y sont associées.