Thèse soutenue

Apparition d'un métabolisme primitif dans les scénarios géochimiques d'origine de la vie. Avant le monde ARN
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Auteur / Autrice : Louis Ter-Ovanessian
Direction : Jean-François LambertMarie-Christine Maurel
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Physique et chimie des matériaux
Date : Soutenance le 16/12/2022
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Physique et chimie des matériaux (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de réactivité de surface (Paris ; 1985-....)
Jury : Président / Présidente : Maguy Jaber
Examinateurs / Examinatrices : Pierre Strazewski
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Luc Décout, David W Deamer

Résumé

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Un scénario incontournable aux origines de la vie est celui du « monde ARN ». Pour le valider, il est nécessaire d’expliquer comment les premières molécules d’ARN se sont formées à partir de précurseurs moléculaires plus simples. Reste à savoir si les nucléobases non canoniques ont été formées parallèlement aux canoniques ou plus tard, lorsque la vie a nécessité une plus grande diversité fonctionnelle. Notre hypothèse est que les voies métaboliques modernes pourraient être en partie héritées des réseaux de réactions abiotiques, compatibles avec le contexte géochimique. Ces réseaux seraient le résultat d’une série de réactions établies par l’interaction de molécules organiques avec des minéraux inorganiques. Le rôle catalytique aurait alors été joué par une catalyse hétérogène sur des sites de surface. Les réactions thermodynamiquement défavorables pourraient s’appuyer, sur des surfaces minérales et sur d’autres sources d’énergie libre que les molécules d’ATP : molécules inorganiques de haute énergie ou exploitation de déséquilibres macroscopiques. Afin de tester cette hypothèse, la voie de l’orotate, menant à la synthèse de l’uracile, est étudiée ici pour tester comment les voies protométaboliques se sont développées dans un monde prébiotique exempt d’enzymes et comment le contexte géochimique a affecté les origines de la vie. Le carbamyl phosphate (CP) est le premier synthon à haute énergie à intervenir dans la biosynthèse de l’uridine monophosphate. Nous avons donc étudié la probabilité de sa présence dans des conditions prébiotiques. L’évolution du CP dans l’eau et en solution ammoniacale a été caractérisée à l’aide des spectroscopies ATR-IR, RMN 31P et 13C. A l’ambiante, le CP se transforme en cyanate et en carbamate/hydrogénocarbonate en quelques heures. Le cyanate, moins labile que le CP, demeure un potentiel donneur de carbamyle. En présence d’ammoniac, la décomposition du CP est plus rapide, générant urée et amidophosphates. Nous en concluons que le CP en tant que tel n’est pas un réactif prébiotique probable. Le cyanate et l’urée sont des substituts plus prometteurs que le CP car ils sont riches en énergie et cinétiquement inertes face à l’hydrolyse. Des molécules inorganiques riches en énergie (trimétaphosphate, phosphoramidates) ont également été étudiées pour déterminer si elles pouvaient être sources de carbamyl phosphate. Bien que ces espèces n’aient pas produit de CP, elles ont présenté une transduction d’énergie : la formation de liaisons P-N. Dans la cellule, la deuxième étape de la synthèse des monomères pyrimidiques de l’ARN est la carbamylation de l’aspartate. Nous avons comparé la réaction biosynthétique à deux scénarios sans enzyme : en solution aqueuse et sur minéral imprégné. La synthèse abiotique sur minéral du squelette linéaire de pyrimidine (acide N-carbamylaspartique, NCA) a été effectuée sur une plage thermique allant jusqu’à 250 °C. Bien que l’utilisation de différents donneurs de carbamyle soit conditionnée par la thermodynamique, la cinétique joue un rôle déterminant dans le choix des voies possibles pour la carbamylation de l’acide aspartique. Dans la dernière étape, nous avons exploré en détail la cyclisation du NCA. Nous avons procédé à la caractérisation in situ (ATG, IR) et ex situ (RMN 1H) des précurseurs de la pyrimidine après adsorption et activation thermique sur un large éventail de minéraux. Nos données suggèrent un possible carrefour métabolique pour l’origine chimique des bases canoniques et non canoniques. Nous montrons que les équivalents inorganiques peuvent remplacer l’enzyme effectuant cette étape, mais aussi d’autres membres de sa famille enzymatique (amidohydrolases cycliques) effectuant des réactions de cyclisation. Enfin, les résultats préliminaires évaluent le rôle des conditions redox, sur la base de la chimie du fer, afin de mieux comprendre la formation de l’acide orotique, ainsi que le rôle prépondérant des minéraux dans la réaction formose à l’interface gaz/solide.