Thèse soutenue

Traits d’histoire de vie et sélection d’habitat chez le requin bouledogue et le requin tigre pêchés à La Réunion

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Auteur / Autrice : Florian Hoarau
Direction : Sébastien JaquemetAudrey Darnaude
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie marine
Date : Soutenance le 01/12/2022
Etablissement(s) : La Réunion
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences, Technologies et Santé (Saint-Denis, La Réunion)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Écologie marine tropicale des océans Pacifique et Indien (Réunion)
Jury : Président / Présidente : Pascale Chabanet
Examinateurs / Examinatrices : Arnault Gauthier
Rapporteurs / Rapporteuses : Jacques Panfili, Élise Dufour

Résumé

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Les requins sont des poissons au squelette cartilagineux, qui occupent souvent les positions supérieures des réseaux trophiques. Plus de 75% des espèces sont menacées par la pêche, la destruction de leur habitat ou la pollution anthropique. Le déclin des populations de requins affecte le fonctionnement des écosystèmes et des mesures de conservation sont aujourd’hui prises pour en limiter l’ampleur. Paradoxalement, dans certaines régions, quelques espèces de grands requins sont pêchées pour réduire les interactions Homme-requin aux conséquences socio-économiques négatives. C’est le cas à La Réunion, où un programme de pêche de prévention cible le requin bouledogue (Carcharhinus leucas) et le requin tigre (Galeocerdo cuvier), deux espèces responsables d’une augmentation des attaques sur l’Homme depuis 2011. Les connaissances locales sur l’écologie des deux espèces et l’effet de la pêche sur leurs populations sont insuffisantes pour envisager une gestion intégrée du risque requin. L’utilisation de l’habitat par les individus d’âge et sexe différents est une information importante pour la gestion du risque, mais elle n’est pas suffisamment documentée à La Réunion. Les requins ont des vertèbres calcifiées, qui grandissent tout au long de leur vie et qui enregistrent de ce fait des informations sur l’environnement, l’alimentation et la physiologie de l’animal. L’analyse des vertèbres constitue ainsi une méthode utile pour étudier les traits de vie des requins. La lecture des bandes de croissance des vertèbres de 140 requins bouledogue et 163 requins tigre, issus de la pêche de prévention, a permis d’estimer l'âge des individus et d’établir les modèles de croissance individuelle pour les deux espèces à La Réunion. Les rapports isotopiques du δ13C, δ15N et du δ18O et les concentrations en éléments traces (Li7, Mg25, Ca43, V51, Cr52, Mn55, Co59, Ni60, Cu65, Zn66, Rb85, Sr86, Ba138, et le Pb208) ont été analysés le long de la vertèbre afin d’étudier des changements possibles d’écologie trophique et d’utilisation de l’habitat en fonction de l’âge. Les différentes analyses ont confirmé que les deux espèces de requin ont une grande taille à la naissance, une croissance lente, une maturité tardive et une forte longévité. Les modèles de croissance globale de von Bertalanffy développés se sont avérés performants pour décrire la croissance des deux espèces, bien que certains paramètres démographiques soient mieux évalués par une approche bayesienne. Une différence significative de la croissance entre les sexes a été montrée chez les deux espèces, avec des femelles dont des longueurs maximales théoriques sont plus élevées que les mâles. Chez le requin bouledogue, les paramètres démographiques sont supérieurs à ceux établis dans l’Altantique et le Pacifique, mais similaire à ceux établis en Afrique du Sud pour l’espèce. Les analyses isotopiques du δ13C et du δ15N ont mis en évidence des changements ontogéniques de l’alimentation chez les deux espèces, accompagnés d’une augmentation du niveau trophique avec l’âge. Le requin bouledogue s’alimente plus près des côtes que le requin tigre. Les analyses de la composition élémentaire des vertèbres ont permis de discriminer les différents lieux de captures et d’identifier des habitats juvéniles différents des adultes à La Réunion chez le requin bouledogue. De plus, les requins bouledogue étudiés semblent en majorité avoir évolués toute leur vie dans les masses d’eaux de La Réunion. Peu d’individus auraient immigré, soulignant le caractère résidant de cette espèce. Pour le requin tigre, l’analyse des éléments traces a montré que l’utilisation de l’habitat varie principalement selon la taille des individus et que tous effectuent des déplacements réguliers à grande échelle. Cette étude permet de mieux comprendre l’écologie et l’utilisation de l’habitat des deux espèces de requin à La Réunion et apporte des éléments nouveaux pour la gestion locale de ces espèces.