Thèse soutenue

Le paysage suspendu et les traits maladroits : la recherche du langage du collectif de peintres amateurs et anonymes Wuming à travers leur peinture d’après nature (1964-1986)

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Auteur / Autrice : Liwei Xu
Direction : Laurence Bertrand-Dorléac
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire. Histoire de l'art
Date : Soutenance le 24/11/2022
Etablissement(s) : Paris, Institut d'études politiques
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de Sciences Po (Paris ; 1995-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'histoire de Sciences Po (Paris)
Jury : Président / Présidente : Yolaine Escande
Examinateurs / Examinatrices : Laurence Bertrand-Dorléac, Chang Ming Marie Peng, Pierre Wat
Rapporteurs / Rapporteuses : Chang Ming Marie Peng, Pierre Wat

Résumé

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L’histoire de l’art chinois de la deuxième moitié du XXème siècle a souvent été découpée en deux parties, avec l’année 1978 comme rupture, car cette date marque le début de l’ouverture du pays après la domination de la politique sur l’art pendant l’époque maoïste. Or, l’étude de la peinture du collectif Wuming montre une certaine continuité durant toute la deuxième moitié du siècle : celle de la recherche d’un nouveau langage artistique en lien avec le changement de rapport entre la nature et les artistes. Notre recherche s’attache à étudier les peintures à l’huile réalisées d’après nature par le collectif de peintres Wuming (无名画会), formé à partir de 1964, son développement pendant la Révolution culturelle et son évolution jusqu’en 1986, lorsque l’art d’Avant-Garde chinois émerge. Wuming signifie en chinois “anonyme” et symbolise leur pratique souterraine de la peinture d’après nature dans les parcs en banlieue de Pékin de 1964 à 1979.Nous résumons d’abord le rôle du dessin d’après nature, utilisé de 1954 à 1965 - avant les activités du collectif Wuming – pour transformer la peinture shanshui traditionnelle et la peinture de paysage conformément aux nouvelles formes culturelles socialistes, qui excluent l’expression du monde intérieur des artistes. Les peintres amateurs Wuming s'opposent alors à cette transformation car refusent d'être « dénaturalisés ». Nous menons ainsi une « étude archéologique du savoir » sur l’apprentissage artistique : leurs expériences visuelles, leurs conditions de création et l’échange avec d’autres artistes pendant la Révolution culturelle. Nous analysons ensuite en profondeur la réactivation du trait, qui contraste avec le dessin réaliste de leur époque, et permet une expressivité par la maladresse (拙) et par la spontanéité. Ces dernières sont devenues la caractéristique principale de leur peinture. Enfin, nous confrontons leurs paysages avec la composition des jardins traditionnels qu’ils fréquentent et avec la représentation utopique des univers productifs agricole ou industriel que l'on trouve dans la peinture de paysans et dans la bande dessinée des années 1960 ; nous les faisons dialoguer également avec les représentations picturales du poème de Tao Yuanming Source aux fleurs de pêcher. La peinture d’après nature du collectif Wuming suspend les idéologies et les émotions révolutionnaires. En outre, elle résiste à l’instrumentalisation de la peinture ayant pour but de fabriquer l’imaginaire d’un nouveau pays et de véhiculer des sentiments sublimés de conquête de la nature. Pour cela, les membres du collectif expriment avec les traits maladroits à l’huile et le vide leur perception personnelle des parcs en tant que monde reclus, atemporel et utopique, en tant que refuge spirituel nécessaire face à la surveillance communiste. Le thème de l’utopie offre un regard nouveau sur la peinture réalisée au début des années 1980 par Zhang Wei et de Ma Kelu – deux membres du collectif Wuming qui quittent le collectif et la peinture d’après nature pour faire la peinture abstraite.