Thèse soutenue

Limites moléculaires de la vie en conditions extraterrestres : biosystèmes extrêmophiles sous haute pression et haute salinité

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Auteur / Autrice : Lorenzo Carré
Direction : Bruno FranzettiEric Girard
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie structurale et nanobiologie
Date : Soutenance le 21/01/2022
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale chimie et science du vivant (Grenoble ; 199.-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Groupe extremophiles et grands assemblages moleculaires
Laboratoire : Institut de biologie structurale (Grenoble, Isère, France ; 1992-....)
Jury : Président / Présidente : Mohamed Jebbar
Examinateurs / Examinatrices : Bruno Franzetti, Eric Girard, Adrienne Kish, Christian Tamburini, Joël Gaffé
Rapporteurs / Rapporteuses : Purificación López-García, Ludovic Sauguet

Résumé

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Au carrefour des disciplines, l’exobiologie a pour objet la vie dans l’Univers. Parmi ses thématiques, la question des limites du vivant se pose avec celle de l’habitabilité des environnements extraterrestres. Proches de ces limites, les extrêmophiles terrestres peuplant les environnements extrêmes telles les cheminées hydrothermales ou la Mer Morte, indiquent que la présence d’eau liquide reste une condition nécessaire à la vie. Sa recherche dans le Système Solaire et au-delà demeure donc une priorité en exobiologie, justifiant l’intérêt porté aux océans subglaciaires des lunes glacées ainsi qu’aux saumures Martiennes.Les océans subglaciaires renferment, de loin, la majeure partie de l’eau liquide dans le Système Solaire et certaines, comme Encelade, pourraient présenter des cheminées hydrothermales dans leurs abysses. Sur Terre, les cheminées hydrothermales sont des biotopes indépendants de la surface, complexes et productifs malgré les conditions de pression et de température extrêmes qui les caractérisent. Ils constituent donc des modèles de premier ordre pour une hypothétique vie sur les lunes glacées. Des différences potentielles de conditions physico-chimiques viennent cependant limiter cette analogie. En particulier, la pression dans les abysses d’Europe pourrait excéder celle rencontrée au niveau des cheminées hydrothermales terrestres. La vie est-elle compatible avec de telles conditions ?Dans un premier projet, nous avons étudié les effets des hautes pressions (HP) à une échelle moléculaire en utilisant comme principal modèle l’ADN polymérase (ADNpol) B de l’archée hyperthermophile abyssale Pyrococcus abyssi. En utilisant des rapporteurs fluorescents de diverses natures et un fluorimètre couplé à une enceinte HP, nous avons étudié les effets des pressions allant de 0,1 à 100MPa sur l’activité de cette enzyme et comparé sa sensibilité aux HP à celles d’autres ADNpols thermostables. Nous démontrons que les HP inhibent directement l’activité des ADNpols et que cette inhibition peut être largement compensée par une augmentation de la température. Les implications exobiologiques et concernant l’adaptation aux HP chez les organismes abyssaux sont par ailleurs discutées.Plus proche de la Terre, un autre type d’environnement pourrait abriter de l’eau liquide dans le Système Solaire : les saumures Martiennes. Présentes de manière transitoire à la surface et de façon plus pérenne dans les environnements souterrains, ces saumures se caractérisent par une salinité importante et l’abondance de composés chaotropes comme les ions Mg2+, Ca2+ et ClO42-. Sur Terre, les environnements hypersalins comme la Mer Morte ou les bassins de saumures abyssaux sont peuplés par des microorganismes spécialisés appelés halophiles. Les plus extrêmes d’entre eux sont des archées de la classe Halobacteria qui présentent des traits caractéristiques, comme l’accumulation intracellulaire de KCl et l’acidification des protéines, et constituent des modèles de choix en exobiologie.Dans un deuxième projet, nous avons comparé les propriétés du protéome entier, et non de protéines modèles isolées, entre cinq archées hyperhalophiles issues d’environnements différents. Cette comparaison a été réalisée en utilisant diverses méthodes, analyse statistique des séquences, protéomique, dosage des ions intracellulaires ou encore diffusion des neutrons, et a notamment permis le développement d’une méthode biophysique de caractérisation de la dépendance au sel du protéome. Nous avons révélé des différences significatives de propriétés intrinsèques du protéome et de l’environnement intracellulaire entre les cinq souches qui soulignent le lien entre l’adaptation à l’environnement et l’adaptation moléculaire chez les halophiles. La réponse du protéome à des sels caractéristiques des saumures Martiennes présente également des implications exobiologiques concernant la recherche de traces de vie sur Mars.