Thèse soutenue

Étude des facteurs contextuels et individuels facilitant et légitimant les préjudices envers les animaux de laboratoire : une perspective psychologie sociale

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Auteur / Autrice : Kevin Vezirian
Direction : Laurent Bègue-Shankland
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Psychologie sociale expérimentale
Date : Soutenance le 29/11/2022
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire interuniversitaire de psychologie - Personnalité, cognition et changement social (Grenoble ; 2005-...)
Jury : Président / Présidente : Aïna Chalabaev
Examinateurs / Examinatrices : Serge Guimond
Rapporteurs / Rapporteuses : Constantina-Elena Badea, Kristof Dhont

Résumé

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En règle générale nous sommes préoccupées par le bien-être animal et nous considérons la souffrance animale comme étant immorale. Cependant, dans certaines circonstances l’exploitation et la souffrance animale nous apparaissent comme étant nécessaires pour assurer la continuité de certains de nos comportements ou de nos habitudes, et cela pourraient représenter un réel dilemme moral. C'est notamment le cas de l'expérimentation animale médicale et pharmaceutique, qui implique l'utilisation d'animaux pour évaluer la toxicité et garantir la sécurité des médicaments destinés à la consommation humaine. L'expérimentation animale oppose parfaitement les considérations que nous avons pour un endogroupe (i.e., les humains) à celles que nous avons pour un exogroupe (i.e., les animaux), et alors que les différences d’opinions quant à cette pratique ne sont encore pas réellement comprises, il se pourrait qu’elles ne soient que le reflet de tendances attitudinales et comportementales en matière de relations intergroupes. En outre, les avantages en matière de santé que présente cette pratique se font au détriment d’animaux qu’en temps normal nous devrions être motivés à protéger de la souffrance, et des stratégies devraient exister pour rationaliser et faciliter la conduite des expérimentations. L'objectif de ce travail est d'examiner quels sont les déterminants individuels et contextuels qui pourraient prédire les attitudes et les comportements envers l'expérimentation animale et les animaux de laboratoire. Nous émettons l'hypothèse que des dispositions individuelles (i.e., la personnalité) connues pour prédire effectivement les relations interhumaines et intergroupes puissent prédire les attitudes et les comportements envers l'expérimentation animale et les animaux de laboratoire. Nous faisons aussi l’hypothèse et que des mécanismes facilitant la conduite de comportements aversifs et néfastes envers autrui, puissent également apparaître dans le contexte de l’expérimentation animale et légitimer l’utilisation d’animaux de laboratoire à des fins de recherche. Pour vérifier nos hypothèses, nous avons mené treize études en utilisant un éventail large et diversifié de méthodes de collecte de données, allant d’enquêtes papier-crayon à des expériences en ligne ou en laboratoire, et nous rapportons nos résultats dans six manuscrits. Dans l'ensemble, nos résultats confirment que des dispositions et caractéristiques individuelles, telles que le genre, l'orientation à la dominance sociale, ou les dispositions spécistes et empathiques, prédisent d’une part les attitudes envers l'expérimentation animale et les animaux de laboratoire, mais aussi l'engagement comportemental à les utiliser dans le cadre d’une recherche pharmaceutique leur causant de la souffrance. Par ailleurs, nos résultats mettent aussi en évidence l’utilisation d’une stratégie motivationnelle de désengagement moral telle que le dénigrement des capacités d’esprit des animaux de laboratoire pour palier et rationaliser le paradoxe que représente l’utilisation d’animaux à des fins de recherche. Enfin, dans la lignée des travaux de Milgram, nos résultats démontrent également que l’engouement scientifique, tel un trait de caractère ou induit via une manipulation expérimentale, conduit à un plus grand soutien de l'expérimentation animale dans des mesures auto-rapportées, mais aussi à un plus grand engagement comportemental dans une situation d’expérimentation animale visant à tuer un animal pour la science. Cette thèse défend que les attitudes à l'égard de l'expérimentation animale et des animaux de laboratoire ne pourraient être que le reflet de la façon dont les gens perçoivent le monde social dans lequel ils vivent et la façon dont ils perçoivent autrui, et nous considérons l’étude de l'expérimentation animale comme étant prometteuse et encourageante pour mieux comprendre les relations entre humains-animaux et les dynamiques intergroupes.