"Une armée en guise de peuple" : la structure militaire de l'organisation politique et sociale des nomades eurasiatiques à travers l'exemple mongol médiéval

par Simon Berger

Thèse de doctorat en Histoire

Sous la direction de Étienne de La Vaissière.

Soutenue le 12-12-2022

à Paris, EHESS , dans le cadre de École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales .

Le président du jury était Frantz Grenet.

Le jury était composé de Frantz Grenet, Christopher Pratt Atwood, Alexandre Papas, Isabelle Charleux, Maria Szuppe.

Les rapporteurs étaient Christopher Pratt Atwood, Alexandre Papas.

mots clés

• Empire mongol
• Armée
• Nomades
• Mongols
• État
• Steppe
• Armées -- Asie centrale -- Moyen âge
• Mongols -- Asie centrale -- Moyen âge
• Nomades -- Asie centrale -- Moyen âge
• Armées -- Organisation -- Moyen âge
• Empire mongol

Résumé

La formation de l’Empire mongol (XIIIe-XVe siècles) par Chinggis Khan est généralement présentée comme un bouleversement profond des structures sociales et politiques des steppes de l’Eurasie centrale médiévale : l’ancienne organisation tribale et clanique des nomades, reposant sur la parenté, aurait été dissoute dans le fameux système militaire décimal imposé par le conquérant, avant de réapparaître avec le déclin de l’empire. Le paradigme tribal, dénoncé par plusieurs travaux récents, ne permet cependant qu’une compréhension tronquée et insuffisante des enjeux et mécanismes à l’œuvre dans l’histoire des nomades eurasiatiques. C’est à l’aune de cette critique qu’est étudiée l’armée mongole, divisée en unités décimales encastrées les unes dans les autres, comme mode d’organisation, de contrôle et de gouvernement des populations. Il en ressort que l’institution militaire se trouve au cœur d’une forme originale de l’État, propre aux nomades eurasiatiques, dans lequel l’armée est le vecteur principal du rapport de domination entre les élites dirigeantes et leurs sujets. En replaçant l’Empire mongol dans la longue durée de l’Eurasie centrale, des Xiongnu du IIIe siècle avant notre ère jusqu’aux Timourides du XVe siècle, en passant par les Türk, les Ouïghours ou les Khitan, il apparaît que ce mode d’organisation militarisée est une constante, et que l’histoire de la steppe doit être réinterprétée en termes de structures administratives et d’institutions, dont l’entité politique gengiskhanide hérite pleinement. S’il est ainsi l’exemple le plus éclatant d’une forme nomade de l’État appuyée sur l’armée, l’Empire mongol ne représente pas une révolution de l'ordre social et politique des nomades des steppes de l’Eurasie centrale.

mots clés

• Mongol Empire
• Army
• Nomads
• Mongols
• State
• Steppe

Titre traduit

"An army as a people" : the military structure of the political and social organisation of the Eurasian nomads through the medieval Mongol example

Résumé

The formation of the Mongol Empire (13th-15th centuries) by Chinggis Khan is generally presented as a profound transformation of the social and political structures of the steppes of medieval Central Eurasia: the ancient tribal and clan-based organisation of the nomads, based on kinship, is said to have been dissolved in the famous decimal military system imposed by the conqueror, before reappearing with the decline of the empire. However, the tribal paradigm, which has been denounced by several recent works, only allows a truncated and insufficient understanding of the issues and mechanisms at work in the history of Eurasian nomads. The Mongol army, divided into nested decimal units, is studied in light of this critique as a mode of organisation, control and government of the populations. It appears that the military institution is at the heart of an original form of the State, specific to the Eurasian nomads, in which the army is the main vector of the relationship of domination between the ruling elites and their subjects. By placing the Mongol Empire in the long history of Central Eurasia, from the Xiongnu of the 3rd century BCE to the Timurids of the 15th century, via the Türks, the Uyghurs or the Khitans, it turns out that this mode of militarised organisation is a constant, and that the history of the steppe must be reinterpreted in terms of administrative structures and institutions, which the Chinggisid political entity fully inherited. While it is the most striking example of an army-based nomadic form of state, the Mongol Empire thus does not represent a revolution of the social and political order of the nomads of the Central Eurasian steppes.