Thèse soutenue

Sphère publique et émotions en Chine au début du XXe siècle. : l'écriture des sentiments politiques dans la presse et la littérature révolutionnaire, 1902-1914

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Auteur / Autrice : Joachim Boittout
Direction : Sebastian Veg
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire et civilisations
Date : Soutenance le 16/12/2022
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Antoine Lilti
Examinateurs / Examinatrices : Antoine Lilti, Joan Judge, Barbara Mittler, Xavier Paulès, Yinde Zhang
Rapporteurs / Rapporteuses : Joan Judge, Barbara Mittler

Résumé

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Au cours de la décennie précédant la Révolution de 1911 en Chine, de nombreuses revues et journaux sont publiés dans les milieux étudiants et intellectuels, en particulier à Shanghai et parmi les étudiants chinois au Japon. Dans ces publications, l'élaboration discursive d’un sentiment national chinois s’accompagne d’une réévaluation de la place des émotions politiques dans l’espace public. La présente thèse étudie comment, entre 1902 et 1914, la presse révolutionnaire a théorisé l’usage discursif des émotions collectives dans l’écriture du sentiment national, au détriment de l’expression d’émotions privées, moralement déconsidérées. Cette entreprise a été adossée à une réappropriation du concept de qing 情 (sentiment), conduisant à réévaluer la tradition lyrique (shuqing chuantong 抒情傳統) issue de la littérature chinoise classique. Appréhender la Révolution Xinhai au prisme des émotions collectives nous permet de relire cet épisode charnière de l’histoire de la Chine moderne, en relativisant une perception trop occidentalo-centrée de la construction du nationalisme chinois. En effet, les auteurs et journalistes révolutionnaires que nous étudions ont aussi formulé le sentiment national dans les termes d’une tradition intellectuelle endogène. En outre, cette approche nous permet d’enrichir la compréhension de la sphère publique chinoise de la période. Presque toujours envisagée dans sa dimension rationnelle et critique, elle s’enrichit ici d’une dimension émotionnelle qui invite à se déprendre d’un logocentrisme persistant dans l’étude de la discussion politique publique.Nous montrons que le sentiment national, avant 1911, a épousé plusieurs formes avant de se muer, une fois la république fondée en 1912, en ce que nous proposons d’appeler le sentiment républicain. Ce prisme de lecture nous mène également à adopter une nouvelle périodisation de la Révolution Xinhai, que nous caractérisons comme un processus, débutant en 1902 avec la fondation du Journal du Nouveau citoyen (Xinmincongbao 新民叢報) de Liang Qichao 梁啓超, et s’achevant avec la confiscation du pouvoir par Yuan Shikai et la fermeture forcée en 1914 de Droits du peuple (Minquanbao 民權報), quotidien affilié à La Ligue jurée (Tongmenghui 同盟會) et premier bastion du groupe des romanciers populaires et journalistes « Canards mandarins et papillons » (Yuanyang hudie pai 鴛鴦蝴蝶派).