Thèse soutenue

Enacter l’imagination : à la croisée de la philosophie de la cognition et de la philosophie des techniques
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Auteur / Autrice : Emilien Dereclenne
Direction : Pierre SteinerAnthony Chemero
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie, Épistémologie, Histoire des Sciences et des Techniques : Connaissance, Organisation et Systèmes Techniques : Unité de recherche COSTECH (EA-2223)
Date : Soutenance le 16/06/2022
Etablissement(s) : Compiègne
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale 71, Sciences pour l'ingénieur (Compiègne)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Connaissance Organisation et Systèmes TECHniques / COSTECH - Connaissance Organisation et Systèmes TECHniques / COSTECH

Résumé

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Cette thèse porte sur la relation entre l'imagination et la technique. Cette thèse part d’un constat selon lequel, dans le paysage des sciences cognitives contemporaines, on trouve peu de travaux qui s’intéressent à la relation entre imagination, créativité et technique. La question de la constitution technique de l’imagination n'a été que récemment esquissée à la manière d’un projet théorique par des philosophes des sciences cognitives tels que Lambros Malafouris (2013), Daniel Hutto et Erik Myin (2017) et Shaun Gallagher (2017). Dans leur sillage, les partisans des approches de la cognition dite 5E (enactive, incarnée, située, étendue et écologique) ont commencé à prendre plus au sérieux le rôle de l'engagement socio-matériel et technique dans l'imagination (Poulsgaard 2019 ; Dereclenne 2020 ; Van Dijk et Rietveld 2020). Cette thèse s’inscrit pleinement dans la lignée de ces travaux. A la lumière d’une lecture croisée du pragmatisme, de la philosophie française de la technique, de l’anthropologie matérielle et des sciences cognitives contemporaines, l’enjeu y est de montrer que la technique façonne l’esprit imaginatif et créatif. Les conceptions contemporaines de l’imagination et de la créativité dans le champ des sciences cognitives sont principalement internalistes et représentationalistes. La première partie de cette thèse (chapitres 1 et 2) soutient que l’internalisme et le représentationalisme conduisent à sous-estimer le rôle de l'engagement technique et socio-matériel dans les processus imaginatifs et créatifs. Coupables d'une sorte de dualisme intenable entre l'esprit et la technique, les conceptions internalistes et représentationnalistes de l'imagination et de la créativité comprennent le développement et l'engagement techniques comme des moyens a posteriori d'extériorisation et de matérialisation de processus imaginatifs et créatifs purement internes, indépendants de l’engagement concret et incarné avec l’environnement socio-matériel, en particulier technique. Dans un tel contexte théorique la technique ne constitue, ni ne participe d'aucune manière aux processus imaginatifs et créatifs. Le chapitre 2 présente des principes épistémologiques (section 1) et ontologiques (section 2) à l’aune desquels surmonter les limites de l'internalisme et du représentationalisme, pour penser plus efficacement la relation constitutive entre imagination et technique. À la lumière des approches pragmatistes de John Dewey et de Nelson Goodman, ce chapitre soutient que le manque de considération pour la technique est le résultat d'un sophisme philosophique, ledit " sophisme méréologique ". Ce sophisme conduit à attribuer au cerveau le seul rôle explicatif et à ignorer le rôle essentiel et constitutif des facteurs externes et de l'engagement pratique. Le chapitre 2 explique comment ce sophisme fonctionne dans le cas de l'imagination et soutient qu'il existe une autre façon d'expliquer les processus imaginatifs, sans postuler l'existence de représentations mentales et sans réduire les processus imaginatifs à des processus purement internes, représentationnels et cérébraux. Cette critique épistémologique conduit à la promotion d'une ontologie des transactions individu-monde, développée dans la suite de la thèse à travers l'ontologie des relations de Simondon, l'ontologie enactive des couplages individu-monde et l'ontologie écologique des affordances. La deuxième partie (chapitres 3, 4 et 5) combine les traditions philosophiques analytiques et continentales, pour offrir une théorie alternative de l'imagination et de la créativité en tant que techniquement constituées. Plus précisément, le chapitre 3 présente la conception simondonienne de la relation entre imagination et technique. Dans ce chapitre on montre comment il est possible de combiner le cadre conceptuel et les intuitions de Simondon avec les approches de la cognition 5E. Comme les enactivistes, Simondon thématise l'insertion de la subjectivité dans la vie.