Thèse soutenue

L’expansion de l’agriculture biologique permettrait-elle d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre d’origine agricole ? Une approche systémique à l’échelle mondiale

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Auteur / Autrice : Ulysse Gaudare
Direction : Thomas NesmeSylvain Pellerin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biogéochimie et écosystèmes
Date : Soutenance le 19/01/2022
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences et Environnements (Pessac, Gironde)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Interactions sol plante atmosphère (INRA Bordeaux-Aquitaine)
Jury : Président / Présidente : Cécile Détang-Dessendre
Examinateurs / Examinatrices : Tamara Ben-Ari, Laurence G. Smith
Rapporteurs / Rapporteuses : Claire Chenu, Niels Halberg

Résumé

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L’agriculture et les autres usages des terres sont responsables de 23% des émissions anthropiques mondiales de gaz à effet de serre (GES). Pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris, il est nécessaire de réduire les émissions de GES dans tous les secteurs y compris l’agriculture. L’Agriculture Biologique (AB) apparait comme un modèle agricole prometteur du fait (i) du non recours aux engrais azotés de synthèse – et de la réduction des émissions de N2O associées – et (ii) de pratiques favorisant le stockage de carbone (C) dans les sols – et donc le retrait de CO2 atmosphérique. Cependant l’AB est souvent critiquée pour ses rendements plus faibles, engendrant potentiellement des changements d’usage des terres si ce mode de production se développait. Plusieurs études ont estimé que la généralisation de l’AB serait de nature à atténuer les émissions de GES d’origine agricole (de -3 à -40%), mais celles-ci n’ont pas tenu compte des rétroactions systémiques potentielles que le développement de ce mode de production pourrait générer. Ces rétroactions sont principalement le fait d’une plus forte compétition pour les ressources fertilisantes organiques avec une potentielle cascade d’effets menant à (i) une réduction de la disponibilité en azote pour les cultures engendrant une réduction des rendements, (ii) une réduction des entées de C et des stocks de C dans les sols agricoles et (iii) des changements d’usage des terres liés à un besoin accru de surfaces agricoles. Si l’effet de ces rétroactions sur la production alimentaire mondiale a été étudié dans une récente étude, leurs effets sur les émissions de GES n’ont encore jamais été explorés à l’échelle mondiale. L’objectif de cette dissertation est d’évaluer l’effet d’une généralisation de l’AB – ainsi que des rétroactions systémiques qu’elle engendre – sur les émissions de GES d’origine agricole. Pour répondre à cet objectif, nous avons couplé le modèle GOANIM – modèle simulant la disponibilité en azote et ses conséquences sur la productivité des cultures dans des scénarios de généralisation de l’AB – à trois autres modèles : le modèle N2O-CH4 adapté des directives du GIEC pour estimer les émissions de N2O et CH4 des activités agricoles, un modèle simulant la dynamique du C dans les sols agricoles (RothC) pour estimer les changements de stocks de carbone organique des sols et un modèle visant à estimer un changement de besoin en terres agricoles en fonction des rendements agricoles et des régimes alimentaires (GlobAgri-AgT) pour estimer le changement d’usage des terres. Les résultats obtenus montrent qu’une généralisation de l’AB verrait les émissions de GES d’origine agricole augmenter de 56% comparées aux émissions actuelles. Cette augmentation nette s’explique par (i) une baisse de 60% des émissions annuelles de N2O et CH4 (-3.1 Gt CO2eq.an-1), (ii) une augmentation des émissions de CO2 liée au déstockage du carbone des sols agricoles (+2.3 Gt CO2eq.an-1) et (iii) des émissions de CO2 induites par des changements d’usage des terres (+3.7 Gt CO2eq.an-1). De plus, nous avons trouvé une réponse non-linéaire des émissions mondiales de GES en fonction de la part des surfaces agricoles mondiales occupées par l’AB. Ainsi, dans un scénario où l’AB ne couvre que 20% des surfaces agricoles mondiales, les émissions de GES mondiales pourraient être réduites de 70%. Ce résultat suggère l’existence d’un développement optimal de l’AB minimisant les émissions de GES d’origine agricole. Par ailleurs, nos résultats permettent d’identifier des pratiques en AB (comme la généralisation des cultures intermédiaires) qui permettraient d’améliorer les effets de l’AB sur les émissions de GES. L’approche utilisée dans cette dissertation est une base méthodologique qui permettra l’analyse d’autres scénarios incluant une plus grande diversité de pratiques, apportant un éclairage sur les pistes ouvertes aux producteurs et décideurs publiques pour réduire les émissions de GES d’origine agricole.