Thèse de doctorat en Littératures française, francophone et comparée
Sous la direction de Danièle James-Raoul et de Géraldine Puccini-Delbey.
Soutenue le 04-03-2022
à Bordeaux 3 , dans le cadre de École doctorale Montaigne-Humanités (Pessac, Gironde) , en partenariat avec Plurielles (Pessac (Gironde)) (laboratoire) .
Le président du jury était Jean-Marie Fritz.
Le jury était composé de Danièle James-Raoul, Géraldine Puccini-Delbey, Sébastien Douchet, Fabienne Pomel.
Les rapporteurs étaient Jean-Marie Fritz, Sébastien Douchet.
Au Moyen Âge, les vieilles femmes concentrent plusieurs formes de marginalité et des caractéristiques sociales et existentielles problématiques. Ce travail propose d’étudier les représentations littéraires qui en sont faites en Occident en utilisant un corpus large constitué d’œuvres vernaculaires et latines, littéraires mais aussi médicales et religieuses, de l’Antiquité jusqu’au début de la Renaissance. La production majoritairement masculine est marquée par une certaine misogynie dans le contexte de discours religieux, savants et populaires qui, généralement négatifs envers la vieillesse au féminin, l’utilisent préférentiellement pour aborder la laideur, la déchéance et la monstruosité esthétiques et morales. Cependant, les personnages de vieilles femmes sont rares et leurs emplois ne se limitent ni à un unique rôle stéréotypé d’adversaire dévalorisé, ni au type monolithique de l’entremetteuse ou de la sorcière. Tantôt épisodique, tantôt obsédante ; insignifiante ici, là chargée de significations symboliques complexes et parfois ambivalentes ; tour à tour pure utilité narrative et personnage au sens plein du terme, la vetula interroge les normes médiévales, entre conformisme moral, transgression sexuelle, subversion idéologique et menace de l’ordre masculin. Mais il s’agit aussi d’une figure proprement littéraire, située au croisement stratégique d’enjeux stylistiques, rhétoriques et de querelles de clercs à la portée considérable, tant à propos des pratiques d’écriture qu’en ce qui concerne la question de la misogynie. Profondément orienté dès le plan lexical, cet imaginaire a été analysé sous l’aspect thématique, qui a permis de singulariser les problèmes posés par le corps féminin sénile et la question du contrôle des dames de grand âge soupçonnées de déviance, mais aussi sous l’angle des rôles actantiels et symboliques. Cet examen permet de constater que la vieille femme est ambivalente, à la fois périphérique et étonnamment incontournable, malgré le silence et sa relégation dans les marges, dès lors qu’on s’attache à comprendre les ressorts des discours sur les femmes au Moyen Âge et à sonder l’histoire littéraire, qui a réservé à la figure une place inattendue dans la fabrique des textes.
The Old Woman in Medieval Literature : (11th-15th Centuries)
During the Middle Ages, old women were often marginalized on several fronts and arbored specific social and existential characteristics. This thesis proposes to study the literary representations of this category in a large body of works made up of vernacular and Latin texts, from literary, but also medical and religious sources, from the end of Antiquity to the outset of Modern times. The predominantly male production is characterized by a certain misogyny in the context of religious and scholarly texts and popular mentalities, that were generally negative towards feminine old age, which they often used to address the topics of aesthetic and moral ugliness, existential degradation, and monstrosity. However old women are rare, and their functions in literature are neither limited to the single stereotypical role of the devalued adversary, nor to the monolithic type of the go-between or witch. Sometimes episodic, sometimes haunting; insignificant here, but there loaded with complex and sometimes ambivalent symbolic meanings; sometimes a pure narrative tool, sometimes a character in the full sense of the term, the vetula questions medieval norms, whether she embodies moral conformism, sexual transgression, ideological subversion or represents a threat to the masculine social order. But it is also a properly literary figure, strategically located between stylistic and rhetorical issues at one hand and clerical quarrels of considerable significance at the other hand, both in what regards the practice of writing and in the way it tackles the question of misogyny. Deeply oriented from the lexical level, this imaginary has been analyzed thematically, which made it possible to single out the problems posed by the senile female body and the question of the control of elderly women suspected of deviance, but also in relation to the narrative and symbolic roles of the characters. This study shows that the old woman is ambivalent in so far as she is both a peripheral figure and a surprisingly unavoidable one, despite the silence surrounding her and her relegation in the margins, for anyone willing to understand the features of the discourse on women in the Middle Ages and to approach literary history, which has reserved an unexpected place for the figure in the elaboration of several key literary trends.