Thèse soutenue

Malaise dans la modernité : penser l’ennui avec Benjamin et Heidegger

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Auteur / Autrice : Judith Bordes
Direction : Christophe Bouton
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 24/06/2022
Etablissement(s) : Bordeaux 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Montaigne-Humanités (Pessac, Gironde)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Sciences, Philosophie, Humanités (Bordeaux)
Jury : Président / Présidente : Bruce Bégout
Examinateurs / Examinatrices : Christophe Bouton, Olivier Agard, Christian Berner, Patricia Lavelle
Rapporteurs / Rapporteuses : Olivier Agard, Christian Berner

Résumé

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Le point de départ de cette thèse de doctorat est le constat de la récurrence, dans la modernité, de discours littéraires et philosophiques faisant de l’ennui un mal d’époque, mais aussi le fait que cette récurrence s’exprime à la même période dans les œuvres de deux philosophes que tout semble opposer : Walter Benjamin et Martin Heidegger. Comment expliquer la prégnance de l’expérience négative d’un allongement du temps à une époque le plus souvent considérée comme dynamique et vectrice de progrès ? Pour instruire cette question, ce travail mêle différentes approches. Tout d’abord, il porte son attention sur l’évolution du thème de l’ennui au cours de l’histoire des modernités, en s’appuyant sur des sources à la fois philosophiques et littéraires, et au premier chef sur les travaux de Benjamin. Il envisage d’une manière critique les différentes descriptions de la modernité où figure le thème de l’ennui, afin d’éviter d’ériger les proclamations des écrivains et des philosophes en vérités valant pour l’ensemble de la population. Il s’applique également à élaborer un concept à même de désigner un affect vécu collectivement et répondant à des déterminations sociales et historiques : celui d’ambiance, inspiré du concept heideggerien de Stimmung. Riche de ces différents apports, cette recherche remet en cause l’idée d’une simple recrudescence de l’ennui dans la modernité. En s’appuyant sur la conception benjaminienne de l’expérience, elle établit que le changement du cours de l’expérience a impliqué une mutation de l’ennui. L’ennui rêveur et nostalgique cher à la tradition romantique se raréfie, tandis qu’un ennui persistant et stérile s’impose. Il a plusieurs caractéristiques. En premier lieu, il représente une forme d’impatience liée à l’habitude d’un rythme de vie rapide. Il est alors corrélatif du changement de l’expérience du temps dans la modernité, désormais compris le plus souvent comme une ressource à employer. Si l’ennui est ici pénible, c’est dans la mesure où l’absence d’activité est vécue comme le gâchis d’un temps qui aurait pu être rentable. En second lieu, l’ennui apparaît comme le corrélat d’un changement du régime d’attention. Les nouvelles conditions de vie appellent une attention constante, notamment dans l’espace de la grande ville ou au sein du travail salarié, qu’il soit celui des ouvriers ou celui des employés. Or cette attention exacerbée peut avoir comme contrecoup un relâchement et une indifférence au monde, propices au développement de nouvelles formes de divertissement. Prendre l’ennui comme guide dans une enquête sur la modernité conduit donc à mettre au jour certaines dimensions négatives ou douloureuses des nouvelles modalités de l’expérience. Cette thèse vise donc à contribuer à une approche critique de la modernité à partir de l’étude d’une ambiance.