Thèse soutenue

La méthode Stanislavski dans la pédagogie enactive : "communication authentique" et "sentiment de soi" de l’acteur chez les adolescents.

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Auteur / Autrice : Maria Pavlovskaya
Direction : Joëlle AdenVera Delorme
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences du langage
Date : Soutenance le 18/12/2021
Etablissement(s) : Paris 12
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Cultures et Sociétés
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut des mondes anglophone, germanique et roman (Créteil) - Institut des Mondes Anglophone- Germanique et Roman - EA 3958 / IMAGER
Jury : Président / Présidente : Jean-François Bourdet
Examinateurs / Examinatrices : Joëlle Aden, Vera Delorme, Sylvie Morais, Isabel Vázquez, Gisèle Pierra, Stéphane Poliakov
Rapporteurs / Rapporteuses : Sylvie Morais

Résumé

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En nous appuyant sur les travaux d’Hélène Trocmé-Fabre, nous faisons l’hypothèse que le point de convergence entre l’art dramatique tel que le voit Stanislavski (1938) et l’apprentissage des langues repose dans le fait que l’acteur devient auteur de son texte dramatique de même que l’apprenant devient auteur de ses apprentissages. (Trocmé-Fabre, 2003). En optant pour le paradigme énactif (Varela, 1997 ; Varela, Thompson, Rosch, & Havelange, 1993), ainsi que pour l’approche écologique en didactique des langues (Kramsch, 2008) et la pédagogie énactive-performative (Aden & Eschenauer, 2014), cette étude s’appuie sur l’expérience des apprenants dans une situation de jeu théâtral bilingue, et elle met en lumière la façon dont leurs langues se tissent et adviennent dans les relations aux autres (Aden, 2013). En nous intéressant à la navigation entre la perspective (ou le langage) intime et la perspective collective, nous proposons d’étudier les moments où le comédien transvit son rôle (Stanislavski, 1938), c’est-à-dire recrée le texte de son personnage en s’appuyant sur sa propre expérience sensible et le transforme de manière unique et singulière. Selon Stanislavski (1938), le transvivre fait émerger le sentiment intérieur scénique de soi de l’acteur, c’est-à-dire le sentiment d’être son personnage et soi-même à la fois, ou, autrement dit, l’aptitude à porter son attention à la fois sur ses propres actions corporelles et émotionnelles et celles des autres. Dans la lignée du translangager (Aden, 2013) qui s’inscrit dans une épistémologie relationnelle de l’empathie, nous faisons l’hypothèse que lorsque les élèves créent en théâtre, ils puisent dans tous leurs répertoires langagiers (culturel, sensoriel, émotionnel), en naviguant entre les perspectives intime et collective; et c’est cette navigation qui leur permet de créer ensemble. Leurs créations émergent dans l’intersubjectivité où la distinction entre externe et interne se crée en permanence dans une continuité dynamique (Petitmengin, 2006). Ainsi, les élèves créent dans des conditions de communication authentique (Stanislavski, 1938) au sein desquelles les apprenants n’échangent pas uniquement par des mots, gestes, mouvements de corps ou regards mais aussi par le courant émotionnel de rencontre (Stanislavski, 1938), ou, autrement dit, ils se mettent en situation d’empathie dans le partage de leur expérience sensible.Cette thèse propose l’analyse d’une séance où un groupe-test a été confronté à une tâche de création d’une scène théâtrale à partir d’un texte en deux langues (français et russe) - lui-même inspiré par le vécu émotionnel des élèves. Ce groupe de jeunes comédiens venant de familles mixtes françaises-russes avait été préalablement formé aux techniques inspirées par la méthode Stanislavski.Afin de révéler la dynamique complexe du translangager nous avons croisé une méthode en 3ème et en 1ère personne. Dans un premier temps, nous avons effectué une analyse interactionnelle (Kerbrat-Orecchioni, 1998) qui nous a permis de mettre en évidence les moments d’improvisation partagée et leur structuration temporelle. Pour affiner ces résultats, nous avons effectué une analyse multimodale (Cosnier, 1996, Cosnier & Vaysse, 1997, Mondada, 2005, Forest, 2006, Kida, 2011). Dans un second temps, nous nous sommes intéressés à l’expérience vécue de chaque acteur au moment de l’improvisation. Pour ce faire, nous avons opté pour l’analyse d'entretiens d’explicitation (Vermersch, 1994, Petitmengin, 2006). Les résultats de ces analyses montrent la complexité, la non-linéarité et la co-construction des répertoires langagiers lors de la création théâtrale. La description fine de l’architecture d’un échantillon d’interactions pendant le processus de création théâtrale nous a permis de spécifier le tissage des stratégies génériques et spécifiques qui émergent lorsque les élèves transvivent leurs personnages dans une création langagière commune.