Les appropriations d’un « plaisir coupable » : la réception des feuilletons télévisés turcs par les publics grecs
Auteur / Autrice : | Dimitra Laurence Larochelle |
Direction : | Éric Maigret |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences de l'information et de la communication |
Date : | Soutenance le 08/10/2021 |
Etablissement(s) : | Paris 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Arts et médias (Paris) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut de Recherche Médias, Cultures, Communication et Numérique (Paris) |
Jury : | Président / Présidente : Bruno Péquignot |
Examinateurs / Examinatrices : Éric Maigret, Bruno Péquignot, Mélanie Bourdaa, Angeliki Koukoutsaki-Monnier, Hülya Tanrıöver |
Mots clés
Résumé
Depuis le début des années 2000, la production et l’exportation des feuilletons télévisés turcs vers l’étranger est en constante expansion, accordant ainsi à l’industrie sérielle turque un rôle de leader sur la scène médiatique internationale. La Grèce fait partie des pays qui importent de manière systématique des feuilletons turcs. Malgré le succès considérable de ces feuilletons auprès des téléspectateurs grecs en termes de taux d’audience, regarder des feuilletons turcs est aujourd’hui en Grèce un « plaisir coupable ». La stigmatisation des feuilletons télévisés provenant du pays voisin et des téléspectateurs qui les regardent est due non seulement à des raisons intrinsèquement liées à la nature des feuilletons en général, mais aussi à des raisons liées au passé conflictuel et aux rapports diplomatiques tourmentés qui caractérisent les relations de ces deux pays. L’objectif de notre thèse est de mettre en évidence les différentes formes de résistance des publics grecs de la culture populaire au cours du processus de réception. Pour cela, nous avons conduit une ethnographie des publics grecs entre 2016 et 2018. Au cours de notre enquête, les téléspectateurs grecs (majoritairement des femmes) ont émis plusieurs énoncés révélateurs d’une négociation avec le système hégémonique. À travers leur visionnage, les participants négocient leur identité culturelle et les significations qu’ils y associent ainsi que les rôles et perspectives associés à leur genre et à leur classe sociale. De surcroît, il semble que le visionnage des feuilletons turcs a motivé certains de nos interviewés à négocier leurs stéréotypes vis-à-vis de l’Autre, entendu au sens de l’altérité turque, tout en demeurant critiques face aux représentations de la culture et de l’histoire turque qui contredisent leurs propres connaissances et/ou visions du monde. Enfin, les sujets sociaux ne s’arrêtent pas à la réception du contenu médiatique mais prolongent leur expérience à travers d’autres pratiques. En ce sens, les communautés de fans constituent des sites au sein desquels les personnes qui consomment des feuilletons turcs concrétisent des pratiques artistiques et/ou de socialisation, renforçant ainsi leur identité sociale et nouant des rapports avec les diffuseurs des contenus en Grèce dans une relation de partenariat. L’enjeu des identités et des jeux de pouvoir associés aux réceptions/interprétations des produits culturels s’avère extrêmement important pour la communication contemporaine. Cette recherche tente ainsi de rendre compte de la multidimensionnalité des données et la nécessité d’approches plus compréhensives.