Thèse soutenue

Suivre et être suivie : l’émergence, la consolidation et la déstabilisation de la norme gynécologique en France (1931 2018)

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Auteur / Autrice : Aurore Koechlin
Direction : Thierry Pillon
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 05/10/2021
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Philosophie (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Centre d'étude des techniques, des connaissances et des pratiques (Paris ; 1989-....)
Jury : Président / Présidente : Nathalie Bajos
Examinateurs / Examinatrices : Bibia Pavard, Géraldine Bloy
Rapporteurs / Rapporteuses : Charles Gadéa, Geneviève Pruvost

Résumé

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Ce travail de thèse vise à retracer dans une double perspective socio-historique et ethnographique l’émergence, la consolidation et la déstabilisation de la « norme gynécologique » qui enjoint aux femmes de consulter régulièrement un·e professionnel·le de santé pour le suivi gynécologique, centré sur la contraception et le dépistage. Elle interroge ainsi une médicalisation unique qui ne se justifie ni par la maladie, ni par un changement du corps ponctuel ou durable, mais uniquement par le genre des patientes auxquelles elle s’applique. La recherche s’appuie alors sur trois types de matériaux – des imprimés et des archives (officielles et personnelles), des observations multi-situées à Paris et en Seine-Saint-Denis en hôpital (deux terrains) et en cabinet (deux terrains), et enfin des entretiens avec des professionnel·le·s de santé (n= 50) et des patientes (n= 46). La thèse établit trois raisons centrales au succès de la norme gynécologique. Tout d’abord, elle parvient à émerger puis à s’imposer en France en lien avec le développement d’une profession, celle des gynécologues médicales, à la position ambiguë dans la hiérarchie professionnelle, c’est-à-dire dominée mais disposant d’importantes ressources. La plasticité des stratégies de reconnaissance professionnelle qu’elle déploie au fil du temps assure le succès de la norme gynécologique malgré les crises que traverse par ailleurs la spécialité. Elle parvient ainsi à fixer l’identité professionnelle de la gynécologie médicale, si ce n’est comme « féministe », du moins comme une spécialité de femmes pour les femmes. Ensuite, la norme gynécologique peut prendre appui sur deux autres normes, la norme contraceptive et la norme préventive, qui garantissent non seulement l’entrée des femmes dans la carrière gynécologique, mais encore son maintien tout au long de la vie. Enfin, naturalisée et invisibilisée, articulée à la médicalisation plus globale des corps des femmes, d’une part, et à la délégation plus vaste à ces dernières des tâches de santé, de l’autre, la norme gynécologique n’est pas perçue comme telle par les femmes auxquelles elle s’applique. Nous avons ainsi pu dessiner un modèle gynécologique français, avec une entrée dans la carrière gynécologique synonyme d’entrée dans l’hétérosexualité et dans la contraception, et une poursuite de la carrière idéalement tout au long de la vie, jusqu’à la mort. Néanmoins, si nous n’avons pas constaté au sein de la consultation « ordinaire » des contestations frontales de la norme gynécologique, la multiplicité des configurations existantes vient nuancer une analyse qui pourrait sembler d’abord trop unilatérale du côté de l’inflexibilité de la norme : les appropriations profanes demeurent ainsi nombreuses.