Thèse soutenue

L'Envers du voyage. Construction et déconstruction d’un discours du voyage dans quelques textes indianocéaniques de J. Conrad, J.M. Coetzee et J.M.G. Le Clézio

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Auteur / Autrice : Cécile Do Huu
Direction : Jean-Claude Carpanin MarimoutouNicole Ollier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littérature comparée
Date : Soutenance le 31/05/2021
Etablissement(s) : La Réunion
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres et sciences humaines, Droit économie gestion, Sciences politiques (Saint-Denis, La Réunion)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de recherche Langues, textes et communications dans les espaces créolophones et francophones (Saint-Denis, Réunion)
Jury : Président / Présidente : Tiphaine Samoyault
Rapporteurs / Rapporteuses : Charles Forsdick, Bernard Terramorsi

Résumé

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Écrire le voyage n’a rien d’un geste anodin, dépourvu de toute implication politique, particulièrement dans l’espace indianocéanique. L’histoire des voyages dans l’océan Indien est faite de routes commerciales entre l’Asie, le Moyen Orient et l’Afrique de l’Est ; c’est une histoire du commerce de la soie, du charbon, du sucre et des épices, mais aussi des esclaves et des travailleurs. À l’arrivée des Européens, cette histoire devient coloniale : une histoire de conquête, de domination culturelle, de capitalisme et d’impérialisme. Le voyage (depuis et vers l’Europe, entre les comptoirs) devient le paradigme dans lequel est inventé l’espace indianocéanique. Mais l’écriture du voyage peut-elle dire l’océan Indien comme un pays pour ses habitants, et pas seulement un paradis ou un anti-paradis ? Peut-elle dire toutes les histoires de voyage dont l’océan Indien est fait ? Car écrire est un acte de pouvoir qui requiert une voix légitimée et autorisée au sein de ce que Foucault appelle l’ordre du discours. Dans Lord Jim de Conrad comme dans La Quarantaine de Le Clézio, ce ne sont ni les pèlerins musulmans se rendant à la Mecque ni les travailleuses engagées voyageant d’Inde vers l’île Maurice qui racontent l’histoire — ce sont les hommes blancs. Écrire le voyage, c’est donc prendre le pouvoir dans la représentation de l’espace et l’écriture de l’histoire. Formulée à partir des travaux de Foucault, Pratt, Debaene et Marimoutou entre autres, mon hypothèse est que l’histoire, la mémoire et l’intertextualité de l’écriture du voyage dans l’espace indianocéanique construisent un discours du voyage : un système discursif qui ordonne l’écriture de l’espace du voyage comme celui de l’Empire, du voyage comme une conquête et du voyageur comme un colonisateur. L’objectif de ma recherche est de mettre en lumière, dans les textes étudiés, à la fois cette structure discursive et ses points aveugles — l’envers du discours. Car écrire le voyage, c’est aussi chercher à dire l’altérité et le dépaysement, à l’opposé de l’impérialisme : il y a ainsi deux forces conflictuelles qui s’affrontent au cœur de l’écriture du voyage. Cette lutte est omniprésente dans Lord Jim, Life and Times of Michael K, La Quarantaine et Voyage à Rodrigues et adopte des esthétiques multiples pour questionner la possibilité même de raconter des histoires de voyage dans l’océan Indien.