Thèse soutenue

Les échanges informels des enseignants. Entre trajectoires individuelles et exercices situés en lycée, quelles fonctions, quels effets ?

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Auteur / Autrice : Alice Le Coz
Direction : Régis Malet
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'éducation et de la formation
Date : Soutenance le 06/12/2021
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, politique, santé publique (Bordeaux)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire cultures, éducation, sociétés (Bordeaux)
Jury : Président / Présidente : Anne Barrère
Examinateurs / Examinatrices : Régis Malet, Anne Barrère, Patricia Champy-Remoussenard, Vincent Dupriez, Pierre Périer, Monica Gather Thurler, Jean-François Marcel
Rapporteurs / Rapporteuses : Patricia Champy-Remoussenard, Vincent Dupriez

Mots clés

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Résumé

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La dimension collective du travail des enseignants constitue une notion très présente dans les préconisations institutionnelles ou politiques, comme dans nombre de recherches en sciences de l’éducation et de la formation. Selon le cadre, le "travail collectif" peut renvoyer à de multiples formes de "travail ensemble" : construire ou partager des ressources, coanimer un cours, se réunir… Cette notion polysémique est cependant souvent associée à des définitions excluant a priori les échanges informels, conversations fortuites entre pairs concernant ou non leur activité professionnelle. Nous nous intéressons précisément à ce type de communication, qui nous semble s’inscrire pleinement dans la dimension collective de l’activité. Nous interrogeons ainsi la place, la fonction, les effets des échanges informels entre enseignants dans leur travail au quotidien, et plus particulièrement dans le contexte des lycées d’enseignement général et technologique français. Un développement autour du concept large de travail a permis d’en aborder, de façon générique, différents niveaux de complexité révélant des articulations sensibles entre acteurs, objets, processus, à plusieurs échelles, en particulier dans le cas des activités relevant du domaine des services. Le travail enseignant a ensuite été plus particulièrement étudié. Le métier, parfois qualifié d’impossible en ce qu’il n’atteint jamais complètement ses objectifs, est aussi soumis à des attentes individuelles et sociales fortes. L’activité enseignante s’inscrit ainsi dans un réseau de tensions et de paradoxes : entre contraintes organisationnelles, institutionnelles et marges de libertés effectives ; entre routine et imprévisibilité ; entre le goût d’une discipline et son deuil nécessaire ; entre valeur pour soi persistante du métier et dégradation de son statut social ; entre regrets et résistances face au travail ensemble ; entre promotion du collectif, faiblesse des moyens déployés, et division cellulaire traditionnelle du travail… Notre enquête de terrain, à partir d’entretiens (23 enseignants, trois proviseurs) complétés par un questionnaire exploratoire et un outil d’auto-relevé des échanges (respectivement 128 et 12 individus), a révélé différents types d’échanges informels et de fonctions associées. Les échanges concernant le travail peuvent porter sur les pratiques, la discipline enseignée. Ils favorisent la prise de recul et le développement professionnel par la confrontation des expériences, des points de vue, parfois par la mise en commun de ressources. Lorsqu’ils consistent en un partage de renseignements et de ressentis au sujet d’élèves, ils opèrent comme un vecteur d’information voire de réflexivité. Une fonction informative est encore remplie par diverses communications sur la vie de l’établissement. Certains échanges autour des personnels de direction, des programmes, des réformes, du système, facilitent la compréhension et le positionnement vis-à-vis des attentes institutionnelles. Lorsqu’il n’est pas question du travail, les échanges informels peuvent concerner la sphère privée, et apparaissent comme indispensables pour se détendre, respirer, se re·mettre en condition avant un cours… Ils favorisent le lien social, le sentiment d’appartenance, soutiennent le bien-être, le sentiment de confiance en soi, et rassurent quant à la possibilité de trouver un soutien en cas de difficulté. L’existence d’un travail collectif, conditionné pour les enseignants à la volonté des équipes et peu compatible avec l’injonction, est régulièrement mise en doute. Les échanges informels, même lorsqu’ils portent de façon claire sur l’activité professionnelle, sont ainsi rarement spontanément qualifiés de travail. Ils sont pourtant présentés comme incontournables au quotidien, et semblent faire fonction de liant dans le corps professionnel enseignant, participant de la fluidité du temps et des espaces scolaires, facilitant aussi l’articulation entre le métier vécu et son analyse.