Thèse soutenue

Le livre fétiche : pratiques de lecture communautaire et intensive dans l’Italie contemporaine (2001-2020)

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Auteur / Autrice : Eleonora Lega
Direction : Sandro LandiAntonio Maria Orecchia
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire moderne et contemporaine
Date : Soutenance le 09/06/2021
Etablissement(s) : Bordeaux 3 en cotutelle avec Università degli studi dell'Insubria (Varese, Italie)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Montaigne-Humanités (Pessac, Gironde)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Sciences, Philosophie, Humanités (Bordeaux)
Etablissement d'accueil : Università degli studi dell'Insubria (Varese, Italie)
Jury : Président / Présidente : Sandro Landi
Examinateurs / Examinatrices : Antonio Maria Orecchia, Maria Cristina Panzera, Elena Riva

Résumé

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Cette thèse remet en cause l’idée, traditionnellement acceptée au sein de l’Histoire du livre, qu’une révolution de la lecture ayant eu lieu au XVIII° siècle aurait marqué la fin des pratiques de lecture intensives et collectives, face à l’essor de pratiques extensives et individuelles, engendrant un espace de débat consacré à une opinion publique rationnelle : la sphère publique telle qu’elle a été décrite par Jurgen Habermas. La montée de nouvelles pratiques de lecture, notamment au sein de nouveaux médias, permet, au contraire, de théoriser la coexistence de ces deux typologies de pratique liées au livre. L’analyse se focalise sur les membres des groupes de lecture de langue maternelle italienne de 2001 à 2010. De nombreux romans, ainsi que les affaires que leurs communautés de lecture ont engendrées, sont pris en compte, le principal étant la réception dans la sphère publique italienne du roman Da Vinci Code. Son auteur, Dan Brown, a su captiver l’intérêt de la masse des lecteurs grâce à une intrigue qui repose sur le mystère, un récit qui, s’inspirant de la paranoïa collective, contribue à l’alimenter. L’étude permet d’esquisser une communauté d’interprétation telle que décrite par Stanley Fish. Une communauté qui est éphémère, dont on ne retrouve de trace que de 2004 à 2012, mais qui a également un grand impact dans la sphère publique. Les lecteurs étant soudés entre eux grâce à la même lecture du texte et la même représentation de la réalité, ils sont en mesure de produire de nouveaux textes, de se sentir légitimes dans leurs revendications et, par conséquent, ils passent à l’action à travers des moyens de la propagande, du hate speech, des manifestations, parfois en commettant des actions criminelles. Les membres de cette communauté semblent avoir perdu leur esprit critique et accordent une légitimité historique à un texte de fiction, en croyant aux théories contenues dans le livre, sans besoin de preuves en brisant la frontière entre réel et fictif. L’occurrence du mot « livre » dans le corpus examiné démontre l’importance que les membres de toutes les communautés étudiées accordent à la matérialité du texte. Souvent le livre n’est pas lu en entier, devenant plutôt un objet à posséder, un symbole d’appartenance. Un objet à caresser, à feuilleter, à amener lors du voyage sur les lieux du Da Vinci Code, dont on apprend par cœur quelques lignes : un objet fétiche dont la forme donne légitimité au texte qu’elle contient.