Thèse soutenue

Les influences cicéroniennes dans les Lettres de Pline le Jeune : imitation, normes et distances
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Auteur / Autrice : Nicolas Drelon
Direction : Béatrice BakhoucheCharles Guérin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Études grecques et latines
Date : Soutenance le 27/11/2020
Etablissement(s) : Montpellier 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale 58, Langues, Littératures, Cultures, Civilisations (Montpellier ; 2015-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherches interdisciplinaires en sciences humaines et sociales (Montpellier)
Jury : Président / Présidente : Élisabeth Gavoille
Examinateurs / Examinatrices : Ermanno Malaspina, Christopher Whitton
Rapporteurs / Rapporteuses : Alessandro Garcea, Marie Ledentu

Mots clés

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Résumé

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Dans le recueil des Lettres, publié au début du IIe siècle ap. J.-C., à partir d’une sélection de textes « écrits avec soin » et pris de façon prétendument aléatoire dans sa correspondance personnelle, Pline le Jeune fait de la notion d’imitation un motif récurrent. En outre, dans cette collection de lettres, Cicéron est l’auteur dont le nom est le plus cité. Sa carrière d’orateur et, en matière épistolaire, la publication de sa Correspondance, sans doute posthume, représentent des précédents prestigieux. Dans cette thèse, nous proposons d’analyser la place et les enjeux des influences cicéroniennes, dans les Lettres de Pline. Nous nous fondons pour cela sur l’appropriation plinienne des théories de l’imitatio / aemulatio, ainsi que sur la place accordée à Cicéron, à sa vie et à ses œuvres, dans la mémoire culturelle collective de l’élite romaine. La conception plinienne de l’imitatio est relativement traditionnelle, illustrant à la fois la pensée et les pratiques romaines, et recouvre plusieurs situations : elle est d’abord intégrée au processus de formation du jeune orateur. Elle se présente également comme reproduction d’un comportement, notamment politique, et comme une étape dans l’élaboration d’une œuvre littéraire. Surtout, elle se double à chaque fois d’aemulatio, de « rivalité », c’est-à-dire d’une ambition et d’une tentative d’égaler et de dépasser le modèle. Pline multiplie et entrecroise les procédés qui suscitent, chez son lecteur, les réminiscences cicéroniennes : intertextualité précise, « pastiche », références et réécritures, situations narratives identiques. L’imitatio et l’aemulatio cum Cicerone, dans des domaines et des situations variés, permettent à l’épistolier de construire de lui-même une image valorisée. Au fur et à mesure des lettres, Pline évoque divers moments de sa carrière d’orateur et aborde des affaires dans lesquelles il a plaidé. L’épistolier reconstruit cette carrière, en éveillant les souvenirs de Cicéron. Les textes de l’Arpinate constituent un ensemble normatif cohérent, qui donne à l’action oratoire plinienne un cadre éthique (quête de gloria, défense du bien commun, respect d’officia, souci du decorum), rhétorique (Pline, élève de Quintilien, fait appel à la doctrine cicéronienne) et pragmatique (le micro-récit plinien reproduit le déroulement de procès, sur le modèle de cas défendus par Cicéron). Quelle que soit la réalité des affaires en question, la lettre plinienne illustre l’idéal cicéronien de l’orateur engagé dans la cité, apprécié des docti mais qui est avant tout capable d’avoir une parole efficace. Dans des contextes privés, Pline prolonge le rapport d’imitatio / aemulatio entretenu avec Cicéron : la mise en scène de l’orateur au repos, la composition de poèmes légers, la maladie d’un affranchi lettré, l’écriture d’une consolation et l’expression de la souffrance sont autant de situations dans lesquelles l’épistolier fait appel, plus ou moins explicitement, au souvenir de l’Arpinate. Il faut alors considérer que se met en place une complicité avec le lecteur : Pline joue à recréer des situations cicéroniennes et le lecteur est invité, de manière ludique, à identifier et à interpréter les marques de rapprochements entre l’épistolier et l’Arpinate. Au-delà d’une stratégie de valorisation de soi ou de justification éthique, l’imitatio cum Cicerone et les influences cicéroniennes s’apparentent donc à un procédé ludique de création littéraire.