Thèse de doctorat en Ethnologie
Sous la direction de Valérie Robin Azevedo.
Soutenue le 04-07-2019
à Sorbonne Paris Cité , dans le cadre de École doctorale Sciences humaines et sociales : cultures, individus, sociétés (Paris ; 1994-2019) , en partenariat avec Université Paris Descartes (1970-2019) (établissement de préparation) .
Le président du jury était Aline Hémond.
Le jury était composé de Aline Hémond, Elisabeth Cunin, David Dumoulin Kervran, Saskia Cousin.
Les rapporteurs étaient Aline Hémond, Elisabeth Cunin.
En 2013, la mairie de Bogota crée des centres d'art proposant un enseignement gratuit de musique andine pour les jeunes. Deux ans plus tard, la ville de Santa Marta finance des écoles de musique similaires où est enseigné le vallenato. Ces musiques se présentent comme des éléments structurants des identités régionales et nationale. En effet, à partir du XIXème siècle, la musique andine est au cœur des débats portant sur la définition de l'identité musicale nationale. Après des années d'intense diffusion, elle subit à partir des années 1960 un lent déclin. Aujourd'hui, sa festivalisation est intimement liée aux processus de patrimonialisation dont elle fait l'objet. Par ailleurs, le vallenato est choisi par une élite locale dans les années 1960 pour incarner l'identité régionale du département du Cesar, récemment créé. Cette musique jouit actuellement d'un succès international, mais le vallenato dit classique est inscrit en 2015 sur la liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente de l'UNESCO. Ces musiques sont au cœur de discours à forte charge affective et symbolique : leur transmission incarne la défense de lo propio, de « ce qui est à nous ». En outre, dans les écoles de musique de Bogota et de Santa Marta, les modalités de transmission de ces musiques se détachent des préceptes académiques. La structuration didactique amène à penser cet héritage académique, ainsi que les conditions du choix d'un répertoire standardisé et la production finale, les concerts. Portés par les pouvoirs municipaux, les enjeux politiques prennent parfois le pas sur les enjeux pédagogiques. Aussi ces écoles invitent-elles à penser d'une manière plus large les politiques publiques, la vie politique et les réseaux qui les mettent en œuvre. L'enjeu de cette thèse est de mieux comprendre les processus de politisation de cet enseignement. Le travail de terrain a été mené dans des écoles de musique, auprès de personnels administratifs, de professeurs et d'élèves de ces dernières. Face à la globalisation et aux industries musicales, dont certains de ces interlocuteurs craignent qu'elles ne soient totalisantes, la transmission des musiques locales est vécue comme une prise de position politisée. En parallèle, les pouvoirs publics municipaux font des usages différenciés de ces écoles. En effet, ces dernières donnent chair aux discours contemporains autour de la paix qui agitent la société nationale dans sa gestion du « post-conflit », mais aussi autour de l'égalité et du respect de la diversité musicale dans un pays qui s'affiche comme multiculturel. Pour autant, ces écoles sont aussi associées à des pratiques clientélaires et représentent un puissant outil au service d'enjeux électoraux. C'est finalement au cœur de la politisation de l'enseignement des « musiques traditionnelles » de Colombie que nous plonge cette thèse.
The teaching of traditional music in Colombia : regional identities, patrimonialization and power relations
In 2013, Bogota City Council created art centers offering free Andean music education for young people. Two years later, the city of Santa Marta finances similar music schools where Vallenato is taught. These musics acts as structuring elements of regional and national identities. Indeed, Andean music is at the heart of debates since the nineteenth century about the definition of national musical identity. After years of intense diffusion, it suffered a slow decline from the 1960s on. Today, its celebration is intimately linked to the heritage process of which it is the object. In addition, Vallenato was chosen by a local elite in the 1960s to embody the regional identity of the newly created Cesar Department. This music currently enjoys international success, but the so called classic vallenato is inscribed in 2015 on the list of intangible heritage in need of urgent safeguarding by UNESCO. These musics are at the heart of discourses with strong emotional and symbolic charge: their transmission embodies the defense of the propio, of "what is ours". Moreover, in the music schools of Bogotá and Santa Marta, the transmission modalities of these musics stand out from the academic precepts. The didactic structuring leads to think this academic heritage, as well as the conditions of the choice of a standardized repertoire and the final production, the concerts. Supported by municipal authorities, political issues sometimes take precedence over pedagogical issues. These schools invite us to think more broadly about public policies, political life and the networks that implement them. The challenge of this thesis is to better understand the process of politicization of this teaching. The field work was conducted in music schools, with administrative staff, teachers and students. Faced with globalization and the music industries, some of whom are afraid that they are totalizing, the transmission of local music is experienced as a politicized stance. In parallel, the municipal public authorities make differentiated uses of these schools. Indeed, the latter give flesh to contemporary discourses around peace that agitate the national society in its management of the "post-conflict", but also around equality and respect for musical diversity in a country that appears as multicultural. However, these schools are also at the heart of customer practices and represent a powerful tool for electoral issues. It is ultimately at the heart of the politicization of the teaching of "traditional music" of Colombia that we plunge this thesis.
La enseñanza de la música tradicional en Colombia : identidades regionales, patrimonialización y relaciones de poder
En el 2013, la alcaldía de Bogotá creó centros de arte que proponen clases gratuitas de música andina para los jóvenes. Dos años después, la ciudad de Santa Marta financia escuelas de música similares donde se enseña el vallenato. Estas músicas se presentan como elementos estructuradores de las identidades regionales y nacional. De hecho, la música andina estuvo en el centro de los debates a partir del siglo XIX sobre la definición de la identidad musical nacional. Después de años de intensa difusión, se comenzó a declinar lentamente a partir de la década de 1960. Hoy en día, su festivalización está estrechamente ligada a los procesos patrimonialización a los que está sometida. Por otro lado, el vallenato fue elegido por una élite local en los años 1960 para encarnar la identidad regional del recién creado deparamento del Cesar. Esta música se beneficia actualmente de un éxito internacional, pero el llamado vallenato clásico se inscribe en el 2015 en la Lista del patrimonio cultural inmaterial que requiere medidas urgentes de salvaguardia de la UNESCO. Estas músicas están en el corazón de discursos que llevan una fuerte carga emocional y simbólica: su transmisión encarna la defensa de lo propio, de "lo nuestro". Además, en las escuelas de música de Bogotá y Santa Marta, las modalidades de transmisión de estas músicas son diferentes a los preceptos académicos. La estructura didáctica nos lleva a reflexionar sobre la herencia académica, así como sobre las condiciones para la elección de un repertorio estandarizado y la producción final, los conciertos. Las cuestiones políticas, llevadas por las autoridades municipales, a veces tienen prioridad sobre la apuesta pedagógica. Por lo tanto, estas escuelas nos invitan a pensar ampliamente la vida política, las políticas públicas y las redes que las implementan. El objetivo de esta tesis es de entender los procesos de politización de esta enseñanza. El trabajo de campo se llevó a cabo en escuelas de música, con personal administrativo, profesores y alumnos de estas últimas. Frente a la globalización y a las industrias musicales, que algunos de estos interlocutores temen que puedan ser totalizantes, la transmisión de estas músicas locales se vive como una posición politizada. Al mismo tiempo, las autoridades públicas municipales hacen diferentes usos de estas escuelas. De hecho, estas últimas alimentan los discursos contemporáneos en torno a la paz que sacuden a la sociedad nacional en su gestión del "posconflicto", pero también en torno a la igualdad y el respeto de la diversidad musical en un país que se proclama multicultural. Sin embargo, estas escuelas también están en el centro de las prácticas clientelistas y representan una herramienta poderosa al servicio de los intereses electorales. Es finalmente en el corazón de la politización de la enseñanza de la "música tradicional" en Colombia en la que nos sumerge esta tesis.