Thèse soutenue

Rôle de la protéine ATM dans la régulation des gènes de latences du virus d’Epstein-Barr (EBV)

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Auteur / Autrice : Moussab Tatfi
Direction : Felipe Suarez
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la vie et de la santé
Date : Soutenance le 05/11/2019
Etablissement(s) : Université Paris-Saclay (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Cancérologie : biologie-médecine-santé (Villejuif, Val-de-Marne ; 2015-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut des Maladies Génétiques (Paris)
établissement opérateur d'inscription : Université Paris-Sud (1970-2019)
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Felipe Suarez, Hélène Dutartre, Ioannis Theodorou, Pierre Busson, Caroline Besson, Fanny Lanternier
Rapporteurs / Rapporteuses : Hélène Dutartre, Ioannis Theodorou

Résumé

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Le virus Epstein-Barr (EBV) est un herpesvirus qui infecte environ 95% des adultes dans le monde. La plupart des gènes codés par le virus sont exprimés au cours du cycle lytique, qui se déroule dans l’épithélium oropharyngé, et contribuent à la production de particules virales. En revanche, seul un répertoire restreint de gènes est exprimé pendant la latence, qui s’établit dans les lymphocytes B des tissus lymphoïdes sous-jacents, permettant une persistance du virus dans l'organisme. Les différentes phases de l'infection à EBV sont soigneusement contrôlées tout au long de la vie de l'hôte infecté, et l'infection chronique chez les individus immunocompétents est généralement asymptomatique. Cependant, un contrôle inefficace de la latence virale peut contribuer au développement de tumeurs malignes telles que le lymphome de Burkitt, le lymphome Hodgkinien et le carcinome du nasopharynx.Plusieurs déficits immunitaires primitifs (DIP) s’accompagnent d’une réponse anormale contre l’EBV et constituent des facteurs de risque de tumeurs associées à l’EBV. L’Ataxie Telangiectasie (AT) est un DIP rare causé par une mutation biallélique du gène Ataxia Telangiectasia Mutated (ATM), impliqué dans la réparation des cassures double-brins de l’ADN. Les patients atteints d’AT ont un risque accru de cancers constitués principalement de tumeurs malignes lymphoïdes B induites par EBV. L'hypothèse prédominante pour expliquer cette augmentation d'incidence est basée sur le rôle de la protéine ATM dans la réparation de l’ADN. Cependant, la forte association des lymphomes avec l’EBV suggère également un rôle oncogénique du virus. Les patients atteints d’AT présentent rarement une immunodéficience profonde et la plupart des patients ne présentent pas d'infections opportunistes. Cela soulève l'hypothèse que le défaut de fonction d’ATM chez les patients atteints d’AT pourrait être associé à un contrôle moins stringent de la latence de l'EBV dans les lymphocytes B, favorisant ainsi les propriétés oncogéniques du virus. Outre la réparation de l'ADN, ATM intervient également dans une multitude de voies de signalisation telles que le contrôle du cycle cellulaire, l'apoptose, le métabolisme mitochondrial et l’homéostasie des télomères. De plus, ATM est impliqué dans l'inhibition de la transcription au voisinage d'une cassure double brin, que ce soit dans l'ADN nucléaire ou ribosomal. Par ses multiples fonctions, ATM intervient dans le contrôle de la latence du virus du sarcome de Kaposi (KSHV) et du γ-herpesvirus murin 68 (MHV68), tous deux analogues à l’EBV.Pour évaluer l’implication d’ATM dans la régulation du cycle latent d’EBV, nous avons séquencé l’ARN de lignées lymphoblastoïdes issues de patients atteints d’AT (LCL-AT) et de donneurs sains (LCL-WT), pour explorer les profils d’expression spécifiques à la fois au génome cellulaire et viral. Nous montrons que les LCL-AT présentent un profil d'expression compatible avec l'incidence accrue de tumeurs malignes chez les patients atteints d’AT, notamment par la surexpression d’oncogènes et l’inhibition d’expression de suppresseurs de tumeurs. Nos données suggèrent également un défaut ribosomal conduisant à une inhibition de la traduction dans les LCL-AT. Ces modifications semblent impacter les intéractions avec certains gènes de latences de l’EBV, comme EBNA-3A, EBNA-3C et LMP1, ce qui pourrait favoriser le potentiel oncogénique du virus. Certaines voies dérégulées découvertes par cette approche devront être explorées plus en profondeur afin de mieux comprendre les mécanismes intrinsèques à la cellule, impliqués dans la régulation de la latence et la lymphomagénèse de l'EBV. L'élucidation de ces voies pourrait contribuer à la mise au point de nouvelles approches pour traiter ou prévenir les lymphoproliférations associées à l'EBV chez les patients atteints d’AT, où la chimiothérapie conventionnelle est très toxique en raison du défaut de réparation de l’ADN, mais aussi dans la population générale.