Thèse soutenue

Mobilités, économies translocales et modernité émotionnelle : de l’usine aux plateformes digitales, entre la Chine et Taiwan
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Auteur / Autrice : Beatrice Zani
Direction : Laurence Roulleau-BergerMichael Hsiao Hsin-Huang
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie, démographie
Date : Soutenance le 03/12/2019
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : établissement opérateur d'inscription : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
Laboratoire : Triangle : Action, Discours, Pensée politique et économique (Lyon ; 2005-....)
Jury : Président / Présidente : Michel Lallement
Rapporteurs / Rapporteuses : Anne Raulin, Isabelle Thireau

Résumé

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Sur des routes secondaires, caché dans une valise, invisible aux contrôles frontaliers, un soutien-gorge orange fluorescent produit dans une usine textile dans la Chine du Sud traverse le Détroit et arrive à Taïwan. Là-bas il se promène et circule, sur des plateformes translocales physiques et digitales, et revient à son lieu de production en Chine. L’investigation des mouvements de cet objet revient à interroger les parcours sociaux et émotionnels de ses productrices : des jeunes travailleuses qui s’engagent d’abord dans une migration de travail des campagnes aux villes en Chine, et ensuite dans une migration par mariage à Taïwan. Les parcours sui generis de ce soutien-gorge illustrent les mobilités des femmes, qui franchissent plusieurs barrières sociales, économiques et morales, en traversant les frontières de régimes normatifs hiérarchiques, inégalitaires et rigides.Ma recherche analyse les stratégies translocales et créatives que ces femmes développent, au niveau physique et virtuel, pour « défaire » une condition de subalternité expérimentée tout au long des mobilités. Au sein du microcosme hyperlocal de leurs vies quotidiennes, les femmes contestent les marchés, produisent du désordre et redéfinissent une modernité émotionnelle. A travers une pluralité de pratiques matérielles et immatérielles, virtuelles et émotionnelles, les migrantes chinoises font face aux hiérarchies et inégalités locales et globales afin de « prendre leur place » dans des nouveaux espaces glocaux.L’entrepreneuriat transnational, sous la forme d’un petit capitalisme émotionnel, soutient les repositionnements de ces femmes. Navigant entre production globale et consommation locale, les femmes chinoises produisent des économies multipolaires qui connectent les espaces multiples physiques et digitaux de leurs migrations. La cartographie des mouvements labyrinthiques et bifurqués, au niveau social, économique et émotionnel, des objets commercialisés démontre la convergence hybride et syncrétique entre les logiques du marché et les pratiques hyperlocales.Sur le plan théorique, épistémologique et méthodologique, ce travail contribue à une sociologie économique globale, à une sociologie des émotions, et à une sociologie des migrations transnationales.Ce travail vise à repenser et reconsidérer les mouvements et mobilités des objets, sujets et émotions dans le cadre complexe d’une dialectique entre le domaine local et global, physique et virtuel, matériel et émotionnel. Le petit capitalisme émotionnel translocal des femmes, généré à travers les réseaux sociaux et développé dans les routes secondaires, constitue la substance mutable, malléable et polyédrique de la mondialisation. Dans cette perspective, les routes secondaires, parcours et chemins des économies glocales peuvent traverser, fusionner et se mélanger aux routes principales des marchés globaux. La mondialisation peut ainsi émerger de ces sections hyperlocales sociales, économiques et émotionnelles, toutes interconnectées à la fois.