Thèse soutenue

Dynamiques sédimentaires holocènes et terrasses agricoles dans les montagnes du Tigray oriental (Ethiopie) : évolutions, trajectoires et fonctionnement d’un paysage palimpseste depuis 8 500 ans
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Auteur / Autrice : Ninon Blond
Direction : Yann CallotNicolas Jacob-Rousseau
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Geographie
Date : Soutenance le 10/12/2019
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Archéorient Lyon
établissement opérateur d'inscriptions : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
Jury : Président / Présidente : Michel Rasse
Examinateurs / Examinatrices : Iwona Gajda, François Bart, Pierre Dérioz, Nathalie Carcaud

Résumé

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Le nord du Tigray (Éthiopie) est caractérisé par de vastes plateaux en bordure desquels se trouvent des vallées encaissées aux versants abrupts. Les fonds de ces vallées sont aujourd’hui densément mis en culture à l’aide de terrasses, ouvrages de conservation des eaux et des sols. Dans ce contexte montagnard, des vestiges archéologiques d’époque axoumite (Ier millénaire av. n. è. - Ier millénaire de n. è.) ont été découverts sur le site de Wakarida. Localisée sur un éperon, cette petite installation urbaine a soulevé la question des relations entre milieu, aménagements hydroagricoles et sociétés. Aujourd’hui, les vallons alentours sont comblés par des accumulations sédimentaires épaisses de plusieurs mètres, cultivées en gradin au moyen de terrasses. Ces aménagements sont-ils le fruit de la transmission pluriséculaire d’un paysage qu’on pourrait appeler « fossile » ? Le résultat de la sédimentation dirigée entreprise de longue date par les Axoumites et leurs descendants ? La proximité des aménagements et des vestiges archéologiques pourrait le laisser penser, d’autant que la culture axoumite présente des similitudes avec celle des Sud-Arabiques, connus pour leur talent dans la construction d’ouvrages hydrauliques. Pour répondre à ces interrogations, une méthodologie systémique est appliquée. Elle emprunte des techniques à la géomorphologie, la géoarchéologie et la sédimentologie, à l’histoire du paysage et la géohistoire, et développe des approches ethnoarchéologique et ethnogéomorphologique. Dans un premier temps, l’étude d’accumulations sédimentaires dans les vallées de la région permet de mettre en évidence les principales phases de mise en place des comblements et les différents facteurs de contrôle du détritisme, qu’il s’agisse de processus biophysiques (changement climatique, couvert végétal) ou d’actions anthropiques (déboisement, agriculture). Les sédiments s’accumulent à partir du VIIe millénaire av. n. è., sous un climat plus humide aux précipitations plus régulières que de nos jours (African Humid Period). À partir du IVe millénaire av. n. è., les équilibres changent, entraînant l’alternance de flux hydrosédimentaires de faible et de grande énergie. Enfin, à partir du Ier millénaire av. n. è., l’influence des sociétés humaines devient plus sensible dans les dépôts qui témoignent d’un déboisement avancé à partir du XIIIe siècle de n. è. Aucun vestige d’aménagement agricole n’a été détecté dans les comblements, qui ne résultent pas d’une sédimentation dirigée. À partir du XVIIe siècle de n. è., les enregistrements chronostratigraphiques manquent. Des archives textuelles et iconographiques sont mobilisées pour comprendre l’évolution des couverts végétaux et préciser la période d’apparition des terrasses. Elles éclairent sur la position de Wakarida, en marge du royaume d’Axoum, des royaumes éthiopiens suivants et des routes d’exploration. Cette situation a permis la persistance sur le temps long de techniques culturales dont certaines remontent à la préhistoire. Seule exception notable, les terrasses sont absentes de ces témoignages. D’après les archives, elles n’apparaissent pas avant les années 1960 dans le Tigray. Le croisement des entretiens et des archives apporte des précisions à l’échelle du site étudié. Les alentours de Wakarida ont été repeuplés récemment et les aménagements actuels ont été érigés à partir des années 1990, en lien avec des réformes agraires et des évènements socio-politiques. Les terrasses de Wakarida témoignent de relations étroites entre processus économiques, sociaux, politiques et biophysiques. Leur avenir est aujourd’hui menacé par l’érosion régressive qui touche les vallons et par l’exode rural qui risque de rompre l’équilibre fragile entre pente, aménagements, cultures et sociétés. Les ouvrages actuels, de construction récente, reposent donc sur des comblements anciens qui continuent à évoluer....