Thèse de doctorat en Biologie, médecine et santé
Sous la direction de Viviane Henaux et de Philippe Marianneau.
Soutenue le 03-12-2019
à Lyon , dans le cadre de École Doctorale Evolution Ecosystèmes Microbiologie Modélisation , en partenariat avec Université Claude Bernard (Lyon) (établissement opérateur d'inscription) et de Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (France) (laboratoire) .
Le président du jury était Delphine Maucort-Boulch.
Le jury était composé de Viviane Henaux, Philippe Marianneau, Etienne Benoît.
Les rapporteurs étaient Carine Brouat, Sophie Alcon.
Les orthohantavirus sont des virus, généralement zoonotiques, présents dans la plupart des zones d’habitat des rongeurs, espèces réservoirs. En Europe, le virus Puumala (PUUV) est l’orthohantavirus qui provoque le plus grand nombre de cas humains, appelées néphropathies épidémiques (NE). L’Homme se contamine le plus souvent de façon indirecte via un contact avec des déjections de campagnol roussâtre (Myodes glareolus) qui est le réservoir spécifique du PUUV. Le rongeur se contamine de façon indirecte comme l’Homme ou de façon directe lors d’interactions avec un campagnol infecté. En France, la zone d’endémie des cas humains se situe dans le quart Nord-Est du pays. Au sein de cette zone, plusieurs foyers ont été identifiés parmi lesquels le nombre de cas varie en fonction des zones, des saisons et des années. L’épidémiologie des cas de NE est intimement liée à celle des infections à PUUV des campagnols. Cependant, la simple présence d’une population de campagnols infectée n’explique pas la disparité spatiale du nombre de cas humains, avec des zones restant indemnes de NE malgré une séroprévalence parfois élevée chez les rongeurs. L’objectif général de cette thèse est de mieux comprendre les facteurs qui expliquent cette disparité en comparant une zone de faible endémie qu’est l’Alsace à une zone de forte endémie que sont les Ardennes. Une première étude a permis d’investiguer le lien entre le risque pour l’Homme et le nombre de rongeurs infectés et donc potentiellement excréteurs, via un suivi de la séroprévalence chez le rongeur dans le temps et dans l’espace en Alsace. En comparaison avec de précédentes études réalisées dans des zones de forte endémie, nos résultats montrent qu’en Alsace le nombre limité de cas humains est associé à une faible séroprévalence des rongeurs. Outre le nombre de rongeurs infectés, l’importance de la contamination environnementale et donc le risque de contamination humaine, dépendent du niveau d’excrétion virale par les rongeurs, qui est modulée pour partie par le variant viral. Aussi, dans un deuxième temps, une étude phylogénétique a été conduite pour évaluer la microévolution du virus entre plusieurs sites des Ardennes. Cette microévolution s’est avérée très différente en fonction du nombre de cas de NE associé à chaque site et était en lien avec les caractéristiques du renouvellement des individus (via la survie et les migrations) au sein de chaque population de rongeurs. Enfin, le troisième volet de ce travail a visé à déterminer l’impact de l’environnement sur la démographie et l’infection des rongeurs dans les Ardennes. Cette partie a débuté par une revue exhaustive de la littérature afin d’identifier le rôle des conditions climatiques, de l’habitat des rongeurs et de la disponibilité alimentaire sur la séroprévalence des rongeurs et sur le nombre de cas de NE. Dans un second temps, des analyses à l’aide de modèles de régression ont permis d’examiner l’influence de ces différents facteurs sur le risque d’infection des rongeurs, estimé par deux indicateurs : la séroprévalence, communément utilisée dans de telles études, et le taux d’incidence, bien plus sensible du moment de l’infection. Logiquement, nos résultats ont montré que la séroprévalence et le taux d’incidence ne sont pas influencés par les mêmes facteurs ; ceux-ci sont discutés au regard des résultats des précédentes études. Nos études suggèrent que l’hétérogénéité spatiale des cas de NE est en partie liée au nombre de rongeurs infectés et à la diversité des souches de PUUV, qui dépendent des caractéristiques démographiques des populations de rongeurs et de l’environnement. Ces résultats sont à approfondir et d’autres hypothèses doivent être explorées, comme l’influence de l’immunité des rongeurs sur le niveau d’excrétion virale et la modulation de leur risque de contamination par leur comportement. Tous ces apports pourraient être utilisés dans des modèles épidémiologiques afin de mieux évaluer le risque pour l’Homme
Descriptive and analytical epidemiology of orthohantavirus in wild rodents in France
Orthohantavirus are viruses, mostly zoonotic, present in most places inhabited by rodents, which are the reservoir species. In Europe, Puumala virus (PUUV) is the orthohantavirus that causes the highest number of human disease cases, called nephropathia epidemica (NE). The virus is transmitted to humans indirectly via excretions of bank vole (Myodes glareolus), which is the reservoir species of PUUV. Infection of bank voles occurs by indirect contamination as in humans or by direct contact with another infected rodent. In France, the endemic area is located in the north-eastern part of the country. In this area, several outbreaks were identified among which the number of cases varies depending on locations, years and seasons. The epidemiology of human cases is closely related to PUUV infections in bank voles. However, the presence of an infected bank vole population alone does not explain the heterogeneous spatial distribution of human cases, with some areas remaining free of NE cases in spite of a high rodent seroprevalence. The main goal of this PhD was to better understand the factors that explain this discrepancy by comparing a low endemic area, that is Alsace, and a high endemic area, that is Ardennes. A first study evaluated the link between the risk for humans and the number of infected, and thus potentially excreting, rodents via the monitoring of rodent seroprevalence in space and time in Alsace. In comparison with studies conducted in highly endemic areas, our results show that in Alsace the limited number of human cases is associated with a low rodent seroprevalence. In addition to the number of infected rodents, the importance of environmental contamination and by this way the contamination risk for humans are impacted by the quantity of virus excreted by bank voles, which is partially modulated by the virus strain. Then, in a second phase, a phylogenetic study was conducted to assess the microevolution of virus in several sites in Ardennes. This microevolution was found to be very different depending on the number of NE cases associated to each site and was related to the characteristics of individual turnover (through survival and movements) in each rodent population. At last, the third phase of this thesis aimed to determine the impact of the environment on the demography and infection of rodents in Ardennes. This part started with an exhaustive literature review to identify the role of climatic conditions (temperatures, precipitations, snow) and food availability on rodent seroprevalence and on the number of human cases. Then, analyses with regression models allowed investigating the impact of these different factors on the risk of infection of rodents, estimated by two indicators: the seroprevalence, which is commonly used in such studies, and the incidence rate, which is a better indicator of the time of infection. Logically, our results showed that seroprevalence and incidence rate were not influenced by the same factors; the role of those factors is discussed in view of results from previous studies. Our studies suggested that the spatial heterogeneity of NE cases was partly related to the number of infected rodents and to the diversity of PUUV strains, which depend on the demographic characteristics of the rodent populations and their environment. These insights require further studies and other hypotheses need to be explored, such as the influence of rodent immunity on the level of viral excretion and the modulation of their contamination risk by their behaviour. All those inputs could be used in epidemiological models to better evaluate the risk for humans
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