Thèse soutenue

Écologie et évolution de coronavirus dans des populations de chauves-souris des îles de l’ouest de l’océan indien
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Auteur / Autrice : Léa Joffrin
Direction : Patrick MavinguiCamille Lebarbenchon
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Écologie, santé, environnement
Date : Soutenance le 28/11/2019
Etablissement(s) : La Réunion
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences, Technologies et Santé (Saint-Denis, La Réunion)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Processus infectieux en milieu insulaire tropical (Saint-Denis, Réunion)
Jury : Président / Présidente : Pascale Besse
Examinateurs / Examinatrices : Camille Lebarbenchon, Catherine Cêtre-Sossah, Vikash Tatayah
Rapporteurs / Rapporteuses : Nathalie Charbonnel

Résumé

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Les zoonoses représentent 60% des maladies infectieuses émergentes, et 70% de ces zoonoses proviennent de la faune sauvage. Les chauves-souris sont les hôtes de nombreux agents infectieux, notamment de virus responsables de zoonoses chez l’Homme comme le virus Ebola, le virus Nipah ou le virus Hendra. Au cours des deux dernières décennies, de nouveaux virus issus des chauves-souris ont émergé dans les populations humaines et animales, avec des conséquences importantes pour la santé publique, vétérinaire, mais également pour l’économie. C’est notamment le cas des coronavirus (CoVs) tels que le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) et le syndrome de diarrhée aiguë du porc (SADS), responsables de plusieurs milliers de décès humains ainsi que d’une mortalité élevée dans les élevages porcins. Bien que de nombreuses études aient identifié des CoVs de chauves-souris dans le monde, les connaissances actuelles sur la diversité et les risques associés à l'émergence de CoVs dans les écosystèmes insulaires tropicaux restent à évaluer avec précision. L’objectif de cette thèse était d’étudier l’écologie et l’évolution de coronavirus dans des populations de chauves-souris. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés au niveau d’exposition des hôtes aux CoVs, et à l’histoire évolutive de ces virus dans le contexte phylogéographique des îles de l’ouest de l’Océan Indien. Basée sur l’analyse de 1088 échantillons par biologie moléculaire, cette étude a mis en évidence, pour la première fois, la présence de CoV chez des chauves-souris insectivores à Mayotte, au Mozambique, à l’île de La Réunion, et à Madagascar. La prévalence globale de chauves-souris infectées par les CoVs était de 8,0% ± 1,2% avec une variation significative entre l’Afrique continentale et les îles, mais aussi entre familles de chauves-souris. Nous avons identifié une grande diversité génétique de α-CoVs et de β-CoVs, dont certains sont phylogénétiquement proches de CoVs humains (e.g. HCoV-NL63, HCoV-229E, MERS-CoV). Enfin, ces CoVs sont structurés phylogénétiquement par famille de chauves-souris, supportant une longue histoire de coévolution entre chauves-souris et leurs CoVs dans l’Océan Indien occidental. Nous avons dans un second temps réalisé une étude longitudinale sur la dynamique d’infection de CoV dans une colonie de maternité de Petit Molosse (Mormopterus francoismoutoui), espèce endémique de La Réunion. Basé sur la détection du génome viral dans des prélèvements environnementaux (fèces et guano), nous avons exploré l’effet de la structure de la population sur la dynamique d’infection pendant deux années consécutives. Les résultats montrent une variation très marquée des prévalences d’infection chez les chauves-souris au cours de la saison, avec la présence de deux pics d’infection : lors de la colonisation de la grotte de maternité (associé à une augmentation de la densité des hôtes), et environ un mois après le début de la parturition (associé à la perte d’immunité chez les nouveaux-nés). L’ensemble de ces travaux montre que l’évolution des CoVs des chauves-souris de l’ouest de l’Océan Indien est majoritairement due à de la coévolution entre les hôtes et leurs virus, bien que le contexte insulaire puisse également induire de la spéciation intra-île, au sein des familles de chauves-souris. La mise en évidence de facteurs écologiques et biologiques influant sur la dynamique d’infection à l’échelle d’une population souligne que les risques de transmission de CoVs à d’autres hôtes diffèrent en fonction des communautés de chauves-souris présentes sur chaque île, mais aussi de la structure des populations des hôtes et de sa variation temporelle.