Thèse soutenue

Organisation, autorités et pouvoirs dans les réseaux de chemin de fer du Nord et de l'Est au cours de la grande guerre (1914-1919).

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Auteur / Autrice : Patrick Cognasson
Direction : Yves Cohen
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire et civilisations
Date : Soutenance le 29/11/2019
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Judith Rainhorn
Examinateurs / Examinatrices : Judith Rainhorn, Christian Chevandier, Georges Ribeill, Odile Roynette, Emmanuel Saint-Fuscien

Résumé

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Les hagiographes militaires sont plutôt laudateurs sur le rôle des cheminots pendant la Grande guerre « le chemin de fer a joué un rôle clé et la victoire n’a été possible que grâce aux cheminots ». Placés sous le régime de la réquisition, les agents des chemins de fer ont été mobilisés sur place, dans les fonctions qui étaient les leurs au moment de la déclaration de guerre. Une partie d’entre eux a cependant été envoyé au front, ce qui a été une source de tension entre l’Etat-Major et la direction des Compagnies ; les chemins de fer ayant été constamment en sous-effectif pendant la guerre. Ma recherche aborde la thématique triangulaire « du pouvoir, de l’autorité et de l’organisation » dans un rapport de commandement dédoublé – militaire et civil. Nous confrontons dans leurs rapports de pouvoir les trois autorités « premières »: régulateurs militaires dirigeant les gares régulatrices et les commissions de réseaux ferroviaires, la hiérarchie fonctionnelle des compagnies et le pouvoir civil dans un rôle d’arbitre. Ces autorités vont, se trouver en position dominante, alternativement, au cours de la guerre. Deux autres autorités, « secondes », interviennent sporadiquement pour disputer le pouvoir aux militaires. Celle des médecins est plus contingente ; elle tente de s’imposer lors de l’évacuation des blessés, sans pouvoir faire prévaloir l’urgence sanitaire sur les décisions de transports en cours d’opération, malgré une forme « d’autorité judiciaire qui lui est reconnue par le haut commandement ». L’organisation syndicale, s’oppose au pouvoir militaire, plus tardivement, à partir de juin-juillet 1917, d’abord avec l’appui du pouvoir civil pour rétablir le droit de réunion, puis, avec les grèves dans les grands Ateliers (Epernay, Noisy-le-Sec), avec des renversements plutôt inattendus de l’autorité militaire. Nous chercherons à situer les limites de ces autorités, formelles ou informelles, dans les espaces de travail et sur le théâtre des opérations militaires. Concernant ces thèmes j’ai abordé l’activité des gares régulatrices, l’organisation du travail sous la houlette des militaires, avec l’acheminement du matériel et des soldats au front, une priorité absolue du transport ferroviaire. Les accidents graves de circulation comme points de tension extrême et de rupture du mode d’organisation du travail pendant la guerre, le régime des punitions. J’ai analysé le passage de la responsabilité juridique de l’agent à l’individualisation de la faute quelles que soient les dysfonctionnements des conditions de travail et de responsabilité. Je traite aussi le transport des blessés dans les trains sanitaires : organisation/désorganisation avec, notamment la réorganisation des évacuations dans les gares régulatrices, en avril 1916. Les points de rassemblement de permissionnaires dans les gares ont été un foyer de contestation de l’ordre militaire. L’état-major a considéré l’Arrière comme un ferment des mutineries de mai/juin 1917 (cf. les travaux d’André. Loez « l’histoire des mutins ») et d’Emmanuel Saint Fuscien, 14-18 Mission du Centenaire, 25 juin 2013 prévenus des conseils de guerre : les « mauvais soldats » ou les « combattants ordinaires ». L’axe de réflexion c’est ce moment de basculement où les cheminots deviennent les alliés objectifs des militaires pour contenir les mutins, d’autres ont observé une certaine neutralité dans les différentes manifestations anti-guerre. La hiérarchie fonctionnelle des compagnies ferroviaires ne s’est pas résignée à abandonner son pouvoir disciplinaire aux militaires. Les cheminots confrontés à une certaine incompétence fonctionnelle de l’encadrement militaire, au regard de l’exercice de leur métier, n’ont pu opposer qu’une résistance limitée.