Thèse soutenue

La transition de genre après la révolution islamique en Iran : la subjectivation trans entre pathologie et résistance

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Auteur / Autrice : Bahar Azadi
Direction : Yves Charles ZarkaFarhad Khosrokhavar
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 29/11/2018
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences humaines et sociales : cultures, individus, sociétés (Paris ; 1994-2019)
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université Paris Descartes (1970-2019)
Jury : Président / Présidente : Azadeh Kian
Examinateurs / Examinatrices : Yves Charles Zarka, Farhad Khosrokhavar, Azadeh Kian, Éric Macé, Geneviève Fraisse, Alain Giami
Rapporteurs / Rapporteuses : Éric Macé, Geneviève Fraisse

Résumé

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L'histoire de l'identité trans et sa légalisation après la Révolution islamique de 1979 en Iran laisse souvent perplexe les observateurs étrangers. Chaque pays a sa propre façon d'accepter, d'ignorer ou de réprimer la demande de la transition de genre. Le rôle important du discours religieux sur la transition de genre en Iran est lié à la fatwa de l'ayatollah Khomeini, qui a sanctionné la réassignation sexuelle dans une société où toute identité non binaire et toute orientation non hétérosexuelle est un acte criminel. La fatwa a été publiée pour la première fois en 1967 et, après la révolution de 1979, dans les années 1980, cette fatwa a acquis soutien, financement et force dans la loi. Le discours juridique de la République islamique admet la possibilité d'une inadéquation entre le sexe et le genre et met à disposition les moyens médicaux pour guérir la souffrance de la personne trans. La catégorisation psychiatrique et le protocole médico-légal du changement de sexe constituent une réponse légitime à la « souffrance » chez les personnes trans. La souffrance en question fait référence aux sentiments d'un individu trans qui croit que son âme est « piégée dans le mauvais corps ». La légalisation de l'identité trans en Iran renvoie à des processus de biopouvoir où les technologies de genres sont au service d'un processus de normalisation de l'individu non binaire. Néanmoins, les individus trans utilisent leurs corps comme un outil de pouvoir pour actualiser leur propre définition du genre et de l'être genré. Nous analysons la construction iranienne des subjectivités trans dans une approche foucaldienne du pouvoir, du savoir et du sujet, dans trois domaines : (i) Le discours religieux qui légalise le changement de sexe, (ii) Le discours psychiatrique et légal qui catégorise l'identité trans en tant que « trouble de l'identité de genre » et (iii) Les réactions des individus trans au système. La corporéité du genre est un processus de « devenir » entre une autoconstruction identitaire de l'individu trans et la construction politico-légale des identités trans dans chaque société. Nous avons cherché à critiquer l'assujettissement du sujet en proposant d'autres modalités de l'interpellation non institutionnelles et non idéologique de l'individu trans en sujet trans. Ainsi nous avons essayé de redéfinir la transition de genre comme un « passage » dans un paradigme non pathologique inspiré par le concept de rhizome développé par Deleuze et Guattari et nous utilisons ce concept pour analyser la transition de genre et la possibilité de multiple forme d'identification. Le statut des personnes trans iraniennes se situe entre la pathologie et la résistance. L'individu trans construit son identité et transgresse les normes du genre. En s'orientant, en changeant, en choisissant, l'individu modifie inévitablement ce qu'il devient. Le corps dans cette transition est au cœur de la résistance trans dans son parcours de subjectivation. Les individus trans iraniens réagissent différemment au discours protocolaire de changement de sexe. Nous avons distingué les différentes modalités de réaction au protocole de changement de sexe que nous avons décrit en trois typologies de réactions chez les personnes trans. Le contexte sociopolitique de la société iranienne limite le transactivisme et les mouvements collectifs trans. Nous essayons d'introduire un type de résistance des individus trans iraniens qui ne soit ni une résistance révolutionnaire ou rebelle ni une résistance publique et collective. Nous développons le concept de « résistance quotidienne » qui décrit comment les personnes trans agissent dans leur quotidien de manière à porter atteinte au pouvoir. Pour enrichir notre analyse, nous avons suivi les activités théâtrales d'un acteur et metteur en scène trans qui sensibilise le public à travers ses performances.