Thèse de doctorat en Sociologie, démographie
Sous la direction de Marie-France Lange.
Soutenue le 21-11-2018
à Sorbonne Paris Cité , dans le cadre de École doctorale Sciences humaines et sociales : cultures, individus, sociétés (Paris ; 1994-2019) , en partenariat avec Université Paris Descartes (1970-2019) (établissement de préparation) .
Le président du jury était Marc Poncelet.
Le jury était composé de Marie-France Lange, Marc Poncelet, Roser Cussó, Boubacar Niane, Marc Pilon, Hélène Charton-Bigot.
Les rapporteurs étaient Roser Cussó, Boubacar Niane.
La République centrafricaine connaît, depuis son indépendance en 1960, des conflits et des crises chroniques qui déstabilisent le système éducatif et affecte la scolarisation des enfants. La communauté internationale joue un rôle important depuis des décennies dans le processus décisionnel des politiques éducatives et le financement des programmes éducatifs. Après le coup d'État de 2013, la présence des acteurs internationaux dans le secteur de l'éducation (bailleurs de fonds, ONG internationales, agences d'aide bilatérale et banques de développement) s'est accrue. L'influence de ces acteurs est devenue de plus en plus prépondérante : ils financent et gèrent la majorité des programmes mis en œuvre pour répondre aux situations d'urgences et reconstruire le système éducatif. Après avoir analysé la littérature grise et scientifique et démontré que l'éducation en situation d'urgence occupe aujourd'hui une place importante dans les stratégies politiques et programmatiques des principaux bailleurs, cette thèse propose de s'intéresser au rôle de la communauté internationale, son interaction avec le gouvernement et le fonctionnement du système éducatif pendant le gouvernement de transition, entre 2014 et 2016. La perception de la légitimité du gouvernement par les familles et les capacités humaines et techniques du ministère de l'Éducation pendant cette période sont aussi analysées pour mieux comprendre les enjeux politiques. Pour mener ce travail de recherche, la méthodologie adoptée repose sur la triangulation de plusieurs types d'analyses complémentaires : un examen des données et des informations existantes, des entretiens auprès des cadres du ministère au niveau central et déconcentré, des enquêtes auprès des écoles, des familles et des espaces temporaires d'apprentissage à Bangui et dans les quartiers avoisinants. Des représentants des principaux bailleurs de fonds et des ONG ont aussi été interrogés. Les résultats démontrent, d'une part, que la communauté internationale influence les stratégies éducatives par le biais des financements apportés et, d'autre part, que le gouvernement, dont les capacités humaines et techniques sont affaiblies, approuve ces stratégies de manière consensuelle sans pour autant définir la vision politique et stratégique du secteur de l'éducation. Il est également démontré que les raisons des faiblesses du système éducatif sont d'ordre structurel et sont ancrées dans l'histoire sociopolitique et économique du pays et que les inégalités d'accès et de qualité à l'éducation sont renforcées en temps de conflit par des causes conjoncturelles dues à la récente crise de 2013 qui perdure. Les résultats des enquêtes menées auprès des écoles et des familles indiquent un déséquilibre entre l'offre éducative disponible et la demande des familles. À cet égard, la participation des communautés (par exemple, par le recrutement et la prise en charge des maîtres-parents) est non seulement encouragée par le gouvernement et la communauté internationale, mais déterminante pour l'accès à l'école dans les zones les plus reculées du pays. L'offre éducative n'est plus sous le seul contrôle du gouvernement. Ainsi, l'éducation en temps de conflit est soumise aux financements disponibles des bailleurs, aux stratégies éducatives des familles et à l'influence de la communauté internationale. Toutefois, la légitimité du gouvernement est valorisée par les actions menées par la communauté internationale puisque le ministère de l'Éducation s'approprie ces actions.
Education policies in conflict contexts : Central African Republic during the transitional government from 2014 to 2016
The Central African Republic has been facing, since its independence in 1960, armed conflict and chronic crises, which have disrupted the educational system and continue to negatively impact on children's education. For decades, the international community has been playing a key role in education policy decision-making and program funding. After the coup d'état in 2013, the presence of the international community, including donors, international non-governmental organizations (INGOs), bilateral aid agencies and development banks, has increased. Over time, the influence of the international community has grown significantly in funding and implementing the majority of programs aiming at responding to education in emergencies and rebuilding the education system. This thesis, grounded in a literature review, demonstrates that education in emergencies and armed conflict holds a central place within political strategies and programs of most donors. The thesis analyzes the role of the international community and its interaction with the Government through a comprehensive examination of the functioning of the education system during the transitional Government between 2014 and 2016. In order to understand the context and drivers behind political motivations, perceptions held by families on the legitimacy of the Government as well as human and technical capacities of the Ministry of Education during this time are examined. To conduct this research, the chosen methodology builds on the triangulation of various kinds of complementing analyses, namely: existing information and data; interviews with education officials at central and decentralized levels as well as with families, schools and temporary learning spaces in Bangui and neighboring areas. In addition, representatives of key donor and international non-governmental organization have been interviewed. Through the analysis and application of this framework, this thesis contends that, on the one hand, the international community influences the education strategies through its funding and programs and, on the other hand, the Government, whose human and technical capacities have been weakened, approves these strategies in a consensual manner without formulating an overarching policy and strategy in the education sector. The factors underpinning the weaknesses of the education system are structural and anchored within the economic and socio-political history of the country. Inequalities in access to, and quality of, education are reinforced during times of armed conflict. In the Central African Republic, enduring cyclical causes of such inequalities have continued after the 2013 crisis. The results of the surveys conducted in schools and with families establish that supply in the education sector does not respond to corresponding demand. In this regard, the contribution by the community, for instance, recruitment and financing of the parent-teachers, is not only encouraged by the Government and the international community, but decisive in enabling access to education in the most remote areas. The education services are no longer under the sole control of the Government. Thus, education in times of conflict is conditioned by the potential for donor funding, families' own education strategies and the strong influence of the international community. However, the legitimacy of the Government is validated by the actions of the international community as the Ministry of Education takes ownership of such actions.