Thèse soutenue

Scolarisation des filles et genre : influence des rapports sociaux de sexe sur la scolarisation des filles au Niger

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Auteur / Autrice : Aissata Assane Igodoe
Direction : Marie-France LangeMahaman Sanoussi Tidjani Alou
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 13/11/2018
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences humaines et sociales : cultures, individus, sociétés (Paris ; 1994-2019)
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université Paris Descartes (1970-2019)
Jury : Président / Présidente : Emmanuel Grégoire
Examinateurs / Examinatrices : Marie-France Lange, Mahaman Sanoussi Tidjani Alou, Emmanuel Grégoire, Dominique Darbon, Suzie Guth, Nathalie Bonini, Bénédicte Gastineau
Rapporteurs / Rapporteuses : Dominique Darbon, Suzie Guth

Résumé

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Notre recherche analyse l'influence des rapports sociaux de sexe sur la scolarisation primaire des filles au Niger, à partir d'une enquête qualitative menée dans une région rurale et dans une région urbaine du Niger auprès d'acteurs des politiques publiques, d'enseignant-e-s et de parents. En 2015-2016, le taux brut de scolarisation primaire s'établissait à 82,1 % pour les garçons contre 70,2 % pour les filles. Cet écart de scolarisation entre les filles et les garçons est plus ou moins important selon les régions et entre les milieux urbain et rural. Dans ce contexte, les acteurs des politiques publiques tentent de promouvoir la scolarisation des filles à travers deux principales mesures institutionnelles : la mise en place des points focaux SCOFI (Scolarisation des filles) dans les inspections scolaires du cycle primaire et la création des Associations des mères éducatrices (AME). Des actions de soutien à la demande scolaire (bourses, actions de sensibilisation, alphabétisation, cours de soutien scolaire, etc.) sont aussi réalisées notamment par les partenaires au développement. Nos enquêtes révèlent que l'adhésion des parents à la scolarisation des filles repose en partie sur leurs représentations de l'influence de l'instruction sur les rôles sociaux de mère et d'épouse qu'ils souhaitent que leurs filles investissent de façon prioritaire. En ville, les parents sont favorables à la scolarisation des filles parce qu'elle permettra l'insertion économique de ces dernières et favorisera, entre autres, la participation financière des filles à leur futur foyer. L'instruction des filles est ainsi appréhendée, notamment par les hommes, comme un avantage au rôle de mère et d'épouse. Par contre, dans les villages, certains des parents enquêtés rejettent la scolarisation des filles, parce qu'ils craignent les effets subversifs de l'école sur les valeurs qu'ils souhaitent que leurs filles acquièrent. À l'école également, la scolarisation des filles est appréhendée dans une perspective de genre, car les représentations des rapports sociaux de sexe et les attitudes des enseignants et des enseignantes, tout en étant favorables à la scolarisation des filles, sont proches de celles des parents. Cette recherche souligne aussi le rôle des femmes dans la scolarisation des filles, en particulier celui des mères de famille et des enseignantes. Les mères de famille, principales actrices de l'éducation des filles, jouent un rôle prépondérant dans la scolarité de ces dernières (influence dans la prise de décision de scolariser une fille, répartition inégalitaire des activités familiales). Les enseignantes, quant à elles, sont sollicitées par les politiques publiques pour représenter des modèles de scolarisation des filles dans les milieux ruraux où les populations sont réfractaires à la mise à l'école des filles. Cependant, les jeunes enseignantes rurales, souvent célibataires, sont soumises à des injonctions contradictoires de l'administration qui leur demande à la fois de valoriser leur métier de femme instruite, tout en adoptant une attitude conforme à celle des femmes des milieux dans lesquels elles sont affectées, en affichant de la réserve et de la discrétion. De plus, les enseignantes sont parfois rejetées par les populations aux yeux desquelles elles incarnent la femme instruite, et par conséquent un modèle de féminité différent de celui recherché par certains parents pour leurs filles. C'est pourquoi la scolarisation des filles s'inscrit à la fois dans des rapports entre femmes et dans des rapports sociaux et de pouvoir entre les sexes auxquels les hommes participent. On note alors que le rôle des femmes dans l'éducation des filles et dans la reproduction des rôles sociaux de sexe est socialement et sexuellement construit, car il s'agit d'une attente partagée par les hommes.