Thèse soutenue

Le lycée professionnel en France à l’épreuve de la politique européenne d’éducation et de formation
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Auteur / Autrice : Karim Boutchich
Direction : Catherine Agulhon
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'éducation
Date : Soutenance le 18/10/2018
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences humaines et sociales : cultures, individus, sociétés (Paris ; 1994-2019)
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université Paris Descartes (1970-2019)
Jury : Président / Présidente : Joël Lebeaume
Examinateurs / Examinatrices : Catherine Agulhon, Joël Lebeaume, Éric Verdier, Fabienne Maillard, Emmanuel de Lescure, Emmanuel Quenson
Rapporteurs / Rapporteuses : Éric Verdier, Fabienne Maillard

Mots clés

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Résumé

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Cette thèse de doctorat s'attache à comprendre et à expliquer l'évolution du lycée professionnel en France dans le contexte européen. Il s'agit d'interroger la politique européenne d'éducation et de formation et ses implications dans l'enseignement professionnel secondaire en France. Elle montre que s'institue, sous l'influence de l'action conjointe de la Commission européenne, de l’État français, et des régions, un système européen d'éducation et de formation relativement indépendant des systèmes nationaux d'éducation et de formation. Cette évolution fait apparaître une nouvelle conception de l'éducation et de la formation, implique de nouveaux acteurs dans le processus de décision politique, provoque la résurgence de nouveaux conflits au sein même des établissements scolaires et remet en question l'identité et la pérennité du lycée professionnel en France. Une analyse socio-historique de la formation professionnelle en France et en Europe nous a permis de comprendre et d'expliquer que le lycée professionnel en France, qui occupe une place originale dans l'espace éducatif du fait de sa bivalence scolaire et professionnelle, évolue en permanence sous l'influence de déterminants politiques. Produite par le rapport de force permanent entre l'école et l'entreprise, cette évolution est étroitement tributaire de l'État de 1944 à 1995 et de la Commission européenne à partir des années 1990-2000. Nous avons ainsi observé que l'État, pendant la première période (1944-1995), a joué un rôle d'arbitre en cherchant à concilier logique scolaire et logique professionnelle. Cette période est profondément marquée par la recherche d'un équilibre entre les exigences libérales des employeurs et celles du monde de l'éducation (enseignants, chercheurs et pédagogues) attaché aux valeurs républicaines et de démocratisation scolaire. C'est seulement à partir des années 1990-2000, période à partir de laquelle s'enclenche le processus d'européanisation de la formation professionnelle, que cet équilibre se défait au profit des entreprises et des acteurs privés. Une enquête de terrain nous a permis d'identifier les implications et les enjeux de l'européanisation à l'échelle des établissements scolaires. Nous avons ainsi interrogé une dizaine de personnels de direction (inspecteurs, chefs d'établissement, chefs de travaux), une trentaine de professeurs de lycée professionnel (professeurs d'enseignement général et professeurs d'enseignement technique) et une centaine d'élèves dans des lycées des métiers de la mode, du commerce, de l'électrotechnique et du bâtiment situés dans les académies de Créteil et de Paris. À l'issue de ce travail de recherche, il apparaît que les recommandations européennes, retranscrites et/ou réinterprétées par le ministère de l'Éducation nationale, se concrétisent au sein même des lycées professionnels. Face à cette évolution, les acteurs de terrain réagissent : les inspecteurs veillent à ce que les programmes tiennent compte de la notion de compétence telle qu'elle est envisagée par la Commission européenne et le monde de l'entreprise ; les chefs d'établissement inscrivent leurs actions dans une logique managériale dans l'esprit de répondre favorablement aux attentes de l'Europe en matière de restriction budgétaire et de new-public management ; les professeurs vivent une redéfinition de leur missions ; les élèves sont amenés à se positionner comme des consommateurs stratèges face à une offre de formation (sections européennes, Leonardo da Vinci, stages et voyages à l'étranger) qui n'est pas accessible à tous. Enfin, nous avons montré que la politique européenne d'éducation et de formation participe à l'évolution du lycée professionnel en France qui tend à se déplacer d'un modèle de formation traditionnellement arrimé à sa double culture, scolaire et professionnelle vers un modèle de formation à tonalité concurrentielle et marchande.