Thèse soutenue

La permanence de l'objet : une analyse de l'identité spatio-temporelle et intersubjective des objets

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Auteur / Autrice : Jim Gabaret
Direction : Jocelyn Benoist
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie. Épistémologie
Date : Soutenance le 12/11/2018
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Philosophie (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne (Paris ; 2002-....)
Jury : Président / Présidente : Jean-Baptiste Rauzy
Examinateurs / Examinatrices : Jocelyn Benoist, Jérôme Dokic
Rapporteurs / Rapporteuses : Étienne Bimbenet, Carole Maigné

Résumé

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Ce travail participe aux recherches contemporaines qui s'attachent à améliorer notre compréhension de ce que nous appelons les « objets d'expérience », et en particulier des objets ordinaires. Il s'arrête sur une dimension qui leur apparaît propre, leur permanence, c'est-à-dire leur continuité spatio-temporelle, telle que nous pouvons la constater et en faire usage dans l'expérience perceptive ou le discours, et leur identité intersubjective – en dépit des différentes visées qu'autrui et moi pouvons avoir sur eux. L'objet est pluriel, son identité, qui n'est pas simplement logique, manque de critères nets, mais cela ne peut remettre en question son existence, comme le voudraient les éliminativistes que nous affrontons. Mais les universalistes, les intellectualistes et tous les idéalistes sémantiques qui, à l'inverse, voient des objets partout, par notre seul pouvoir de les penser, confondent objet réel et objet de pensée. Nous défendons un réalisme contextualiste de l'objet ordinaire qui en précise l'existence dans les contextes où il fait sens d'en parler, et d'abord le contexte perceptif, puisqu'il semble définitoire des normes d'objectification et d'objectivation les plus courantes dans nos pratiques identificatoires, réidentificatoires et catégorisantes, de s'inscrire au sein de la perception et de l'action. Ce sont des processus plus ou moins simples cognitivement et plus ou moins répandus éthologiquement qui sont enjeu selon les cas. Cette pluralité implique d'en explorer les terrains, en particulier dans le plus jeune âge lorsque beaucoup des normes réglant notre saisie cognitive du réel sont en formation. C'est pourquoi notre investigation choisit rapidement de se faire philosophie de la connaissance afin de comprendre la genèse des objets ordinaires dont nous parlons, plutôt que d'essayer de dresser de façon abstraite une liste exhaustive de leurs critères d'identité. Nous défendons que la permanence de l'objet peut être comprise à trois niveaux, perceptif, social et logicolinguistique. Le bébé atteint ces niveaux d'objectivité par des concepts naturels (concepts affordantiels et modules innés, qui ont une inscription corporelle et un développement social), des concepts expérientiels (prototypiques et essentialisants, aidés par nos activités humaines de socialisation et d'attention partagée, qu'on trouve aussi dans le monde animal), et des concepts lexicaux, hérités de notre langue. C'est l'occasion de remettre en cause l'opposition trop facile entre l'inné et l'acquis, ou le nativisme et le constructivisme. À chacun de ces niveaux, il y a des raisons d'utiliser, en un sens non mentaliste mais naturaliste et fonctionnaliste, la notion de représentation, pour comprendre ce qui fait la transcendance de ces objets distaux, traités à partir des stimuli proximaux mais différents d'eux. On peut user d'un discours réaliste à leur sujet, sans présupposer que celui-ci se fonde sur des capacités cognitives rationnelles propositionnelles, synthétiques, inférentielles ou judicatives de haut niveau et nécessairement spécifiques à l'humain, mais sans céder non plus aux oppositions classiques entre réalisme indirect et réalisme direct, ou conceptualisme et non-conceptualisme. De même, on défendra, au-delà des débats entre continuisme et discontinuisme sur l'humain et l'animal, un émergentisme qui pense à la fois la continuité des espèces et leurs différences chaque fois propres dans leur rapport aux objets de leur environnement, tels qu'ils sont visés dans des normes naturelles et sociales.