Thèse soutenue

Les favelas à l'ombre des méga-événements sportifs internationaux, confrontation d'un nouveau type : les cas de Rio de Janeiro et Curitiba au Brésil
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Auteur / Autrice : Caroline Chabot
Direction : Guy TapieCristina De Araujo Lima
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 18/12/2018
Etablissement(s) : Bordeaux en cotutelle avec Universidade federal do Paraná (Brésil)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, politique, santé publique (Bordeaux)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre Émile Durkheim - Science politique et sociologie comparatives (Pessac, Gironde)
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Patrice Godier
Rapporteurs / Rapporteuses : Manuel Appert, Guilherme Lassance

Résumé

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La persistance des bidonvilles en milieu urbain est un phénomène présent à l’échelle du globe et particulièrement dans les pays émergents. Elle s’affirme comme un enjeu majeur illustrant aussi bien les inégalités sociales, politiques et environnementale qu’une certaine non maîtrise de l’urbain par les autorités publiques. Au Brésil, le phénomène prend le nom de favelisation. Synonymes de pauvreté, de plaie urbaine et de violence, les favelas constituent un pan entier de la production urbaine que les politiques publiques et les acteurs privés ne parviennent pas à endiguer ou absorber. Depuis quelques années, les métropoles émergentes tentent de se distinguer par des événements à portée internationale. C’est le cas de Rio de Janeiro et de Curitiba au Brésil. La première s’inscrit dans l’agenda des méga-événements internationaux (Coupe du Monde de Football 2014, Jeux Olympiques 2016). La deuxième, intégrée dans le projet Coupe du Monde 2014, s’était déjà démarquée en devenant un modèle de développement urbain à l’échelle mondiale. La bonne réception des grands événements sportifs implique dès lors d’importantes transformations des territoires hôtes : constructions de stades, amélioration des infrastructures de transport. À Rio de Janeiro et Curitiba, où respectivement 22% et 9% de la population habite dans des favelas, la confrontation spatiale entre les deux phénomènes est inévitable. À travers cinq favelas (Vila Autodromo, Vidigal, Morro da Providência, Vila Torres, Vila Parolin) de deux métropoles différentes (Rio de Janeiro et Curitiba), la thèse montre que les interactions entre les favelas et les méga-événements sont protéiformes et dépendent fortement des contextes locaux. L’approche spatiale, articulée à la sociologie urbaine, offre une nouvelle grille de lecture à la confrontation entre méga-événements et favelas et qualifie les transformations : la favela évincée, la favela mondialisée, la favela trophée, la favela intégrée et la favela ordinaire. Au centre de cette confrontation, trois logiques apparaissent. L’invisibilisation des favelas, visuellement frappante, vise à faire disparaitre leur caractère embarrassant ; la logique de transfert évoque des déplacements de population et de modes de vie ; enfin la logique culturelle, spécificité brésilienne, renverse la dichotomie en s’appuyant sur la culture favelada pour promouvoir une certaine image du Brésil. La recherche combine de nombreuses observations et analyses spatiales in situ, une revue de presse (locale et internationale) et des entretiens semi-directifs. Les résultats montrent que la nature des confrontations dépend de la manière dont les méga-événements sont intégrés au développement urbain des métropoles-hôtes. Plus le méga-événement s’adapte au territoire dans une vision à long terme, plus la confrontation avec les favelas mène à leur intégration dans le maillage urbain. À l’inverse, lorsque c’est la ville qui s’adapte au méga-événement et coordonne ses transformations urbaines au calendrier événementiel, la nature des confrontations est plusbrutale. Les favelas sont dans ce cadre un perturbateur, mais aussi une opportunité de se distinguer positivement pour les métropoles qui parviennent à en pallier les carences. Elles interrogent profondément les ambitions et les modalités de production de la ville, tant en raison de leur persistance que par leur capacité à se transformer.