Thèse soutenue

Anthropologie des vins "nature", la réhabilitation du sensible
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Auteur / Autrice : Christelle Pineau
Direction : Sergio Dalla Bernardina
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie sociale et ethnologie
Date : Soutenance le 23/10/2017
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Philippe Pesteil
Examinateurs / Examinatrices : Augustin Berque, Nadia Breda, Sébastien Fleuret, Georges Guille-Escuret, Laurence Hérault

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Cette recherche s’inscrit dans le vaste champ de l’Anthropologie des vins "nature", la réhabilitation du sensiblepar Christelle Pineaue. Elle vise spécifiquement les domaines des techniques et des savoirs, ainsi que celui du sensoriel, (l’analyse croisée de ces deux univers permettant de saisir les systèmes de représentation sous les angles à la fois pragmatique et perceptif.). Un courant émergeant prend place dans le paysage vitivinicole - en France notamment : celui de professionnels s’engageant dans la production et la diffusion de vins biologiques, biodynamiques, naturels (certains ayant réalisé leur révolution « culturale », d’autres ayant bifurqué professionnellement). Dans ces trois démarches, différents degrés d’investissement existent, et les pratiques peuvent s’interpénétrer, conduisant à un corpus d’actions et de références syncrétiques, d’où la difficulté, pour les non-initiés, à définir ces vins dits « libres » et hors norme. Néanmoins tous ces vignerons conservent une base de rhétorique commune, fondée sur le mythe du retour à la « nature » (plus exactement à un milieu au sein duquel tous les êtres vivants sont en interrelation), au nom d’une certaine moralité à son égard. Les questions de santé publique et de préservation de la pluralité des saveurs et des cépages les animent tout autant. Ils entendent mettre au jour des produits « nus » et limitent leurs actions directes sur la nature (action indirecte négative, Haudricourt - 1962), à l’heure de l’Anthropocène (Bonneuil-Fressoz - 2013). Les intrants chimiques de synthèse, alliés objectifs de la majorité des producteurs de vin aujourd’hui dans le monde, ont chez les "natures", le statut d’ennemi. Aux vins "conventionnels" corsetés par la technique et une certaine idée du progrès, s’opposent des vins qualifiés de vivants, difficiles à apprivoiser. La description de la praxis basée sur des savoir-faire anciens met en lumière un réseau à la fois homogène et hétéroclite, dans lequel chacun travaille sa propre voie. Dans le même temps, ces vignerons adoptent une posture de chercheur, au travers d’expérimentations qui peuvent emprunter à des modèles de pensée en apparence opposés, auprès de Rudolf Steiner (fondateur de l’anthroposophie et de la biodynamie) aussi bien que de Jules Chauvet (auteur de travaux scientifiques en chimie et microbiologie), deux figures tutélaires. Ce désir de dialogue avec le milieu se comprend comme une demande de sens dans un univers de vivants privés de sensibilité après que l’ère cartésienne a pris l’avantage dans les différentes façons de se représenter le monde. La vision naturaliste qui marque nos sociétés (Descola - 2005) induit une scission entre le moi et la « nature », elle a de fait contribué à repousser les rôles et les frontières du sensible. Le sujet moderne a ainsi été coupé de son milieu (Berque - 2000, 2010). Ces vignerons tentent de remédier à cette situation par le biais d’un dialogue ininterrompu entre les deux pôles, intelligible et sensible.