Thèse soutenue

Raisonnement et Argumentation : une approche interculturelle et développementale
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Auteur / Autrice : Thomas Castelain
Direction : Jean-Baptiste Van der HenstHugo Mercier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Psychologie mention Psychologie cognitive
Date : Soutenance le 15/12/2016
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École Doctorale Neurosciences et Cognition (NSCo)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Institut de sciences cognitives Marc Jeannerod (Lyon ; 2006-....)
établissement opérateur d'inscription : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
Laboratoire : institut des sciences cognitives
Jury : Président / Présidente : Virginie Laval
Rapporteurs / Rapporteuses : Pierre Barrouillet, Coralie Chevallier

Résumé

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Dans le domaine des sciences cognitives, la plupart des études sur la communication humaine se sont intéressées à la manière dont on comprend la communication et non pas à la manière dont on l’évalue. D’après le cadre théorique de la vigilance épistémique (Sperber et al., 2010) les êtres humains disposent d’un ensemble de mécanismes dédiés à l’évaluation des messages qui servent à se protéger d’informations potentiellement trompeuses et qui permettent de communiquer de manière fluide et relativement honnête. D’après ce cadre théorique, le raisonnement aurait évolué pour permettre une discrimination plus fine des messages. La principale fonction du raisonnement serait argumentative : il s’agirait de trouver des arguments pour convaincre les autres et d’évaluer les arguments d’autrui afin d’acquérir des croyances plus solides (Mercier & Sperber, 2011). Si le raisonnement est le résultat d’une adaptation, ces compétences devraient être relativement universelles et on ne devrait pas avoir à les enseigner. L’universalité et le développement précoce de ces compétences permettraient donc de montrer qu’elles ne reposent pas sur un apprentissage culturel spécifique. Cependant, la plupart des études sur le raisonnement et l’argumentation chez les adultes comme chez les enfants, et par conséquent les principaux résultats qui soutiennent la théorie argumentative du raisonnement, se limitent à un échantillon restreint des sociétés humaines : les cultures occidentales. Aussi, on pourrait penser que ces caractéristiques du raisonnement sont davantage l’expression de facteurs culturels plutôt que des traits universaux. Ce travail de thèse s’intéresse à cette question en déployant une approche interculturelle (en comparant les sociétés occidentales, orientales et traditionnelles) et développementale. Les cultures traditionnelles et orientales diffèrent des cultures occidentales sur de multiples aspects - tels que la tradition philosophique, l’approche parentale ou l’accès à l’éducation formelle - qui sont particulièrement pertinents pour tester ces prédictions adaptatives. Le rôle de la discussion a souvent été sous-estimé dans le domaine du raisonnement, à l’exception de certaines études développementales très influentes (Doise & Mugny, 1984; Perret-Clermont, 1980). En coupant le raisonnement de son contexte argumentatif, les psychologues du raisonnement l’ont privé de l’une de ses forces : l’échange d’arguments avec les autres. Dans une première étude, nous avons montré que dans une population traditionnelle – les Mayas indigènes du Guatemala – la discussion en groupe amène à de meilleures performances que le raisonnement individuel. De tels résultats avaient déjà été rapportés pour des populations occidentales et orientales. Deux caractéristiques du raisonnement peuvent expliquer ces résultats : the biais vers son côté, qui empêche les individus d’améliorer leurs performances individuelles, et l’habilité à évaluer les arguments des autres, qui permettent aux individus de bénéficier des discussions de groupes (Article 1). Dans trois études exploratoires, nous avons apporté des preuves que le bénéfice de l’argumentation peut aussi s’étendre au raisonnement moral. La première étude confirme que les arguments peuvent faire changer les individus d’avis même dans des jugements moraux impliquant une forte charge émotionnelle. En revanche, les seconde et troisième études n’ont pas permis de révéler des effets notables de la discussion sur les jugements moraux (Chapitre 2). Avant l’âge de trois ans, les enfants échangent des arguments avec leurs parents et leurs frères et sœurs. Cependant, aucune expérience n’a montré que les enfants de cet âge sont sensibles à la qualité des arguments. Dans une première étude, nous fournissons des preuves expérimentales que les enfants de deux ans sont sensibles à la force des arguments (Article 3)...