Thèse soutenue

Les délices de la flamme : la sensibilité au froid et à la chaleur dans la France moderne (XVIe - XVIIIe siècles)
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Auteur / Autrice : Olivier Jandot
Direction : Jean-Pierre Gutton
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 07/10/2016
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (Lyon ; 2003-....)
établissement opérateur d'inscription : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
Jury : Président / Présidente : Frédéric Meyer
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Pierre Gutton, Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, Bernard Hours
Rapporteurs / Rapporteuses : Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, Charles Giry-Deloison

Mots clés

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Résumé

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À une époque où les conditions matérielles de l’existence différaient profondément de celles qui sont aujourd’hui les nôtres, quel était l’impact des variations saisonnières de températures sur les individus et sur la société ? Comment les hommes et les femmes du passé enduraient-ils le froid de l’hiver et tentaient-ils de s’en préserver ? Quelle était l’efficience des moyens mis en œuvre pour lutter contre le froid et quelles pouvaient être les températures qui régnaient l’hiver à l’intérieur des habitations ? À la suite des intuitions pionnières de Lucien Febvre ou de Robert Mandrou, ce travail, à la croisée de l’histoire du corps et de celle des sensibilités, tente de de retracer la généalogie de notre rapport sensible au monde. La première partie de la thèse, après avoir évoqué les apports et les limites des différents types de sources dépouillées, est consacrée à étudier la manière dont les fluctuations de températures sont perçues, notées et pensées à des époques où le froid et la chaleur sont davantage des expériences sensibles que des grandeurs physiques mesurables. On y étudie aussi la manière dont les vagues de froid impactent, plus qu’aujourd’hui, la vie quotidienne et posent aux individus et à la société d’insolubles difficultés. En s’interrogeant sur la figure récurrente du “grand hiver”, on en vient à montrer que ces descriptions d’hivers rigoureux révèlent tout autant une réalité climatique objective qu’une extrême vulnérabilité des sociétés anciennes face au froid. La seconde partie centrée autour de la question de la civilisation matérielle tente de retracer les différentes stratégies mises en œuvre pour lutter contre les assauts de l’hiver. On y étudie ainsi la place et le rôle de la cheminée dans l’habitation ainsi que la manière dont elle constitue un trait de civilisation qui conditionne des manières d’habiter et des attitudes corporelles qui n’échappent pas au processus de civilisation. Les médiocres performances calorifiques de la cheminée expliquent le recours nécessaire à des sources de chaleur portatives et la mise en place de multiples stratégies de lutte contre le froid qui varient en fonction des régions et des milieux sociaux. La France préindustrielle apparaît ainsi comme un monde de l’économie permanente et de la chaleur rare où le souci constant de l’économie du combustible explique la cohabitation recherchée avec les bêtes, l’entassement des corps dénoncés par les médecins des Lumières et l’existence de certaines formes de sociabilité. En essayant de reconstituer la cohérence d’un système et d’habitus aujourd’hui disparus, on est naturellement amené, dans une troisième partie, à poser la question de la sensibilité — au sens physiologique mais aussi social du terme — au froid et à la chaleur ainsi que celle de son évolution. Dans un essai d’archéologie du corps, on tente de reconstituer les climats intérieurs des habitations d’autrefois en s’efforçant de déterminer les températures de confort. L’accoutumance à des températures intérieures relativement basses au regard de nos exigences actuelles amène à souligner le caractère socialement et culturellement construit des seuils de tolérance et à interroger le rapport à l’inconfort et à la douleur puisque le froid, s’il est enduré, n’en provoque pas moins souffrances et lésions corporelles. En étudiant les cheminements sinueux de la réflexion technique relative à la question du chauffage qui se développe au cours du XVIIIe siècle, on est aussi amené à s’interroger sur les interactions complexes entre la société, les évolutions scientifiques et technologiques et l’évolution des seuils de tolérance individuels et sociaux au froid et à la chaleur. Le XVIIIe siècle apparaît ainsi comme un siècle charnière où s’exprime pour la première fois ouvertement une demande sociale de chaleur (condamnée par les moralistes et les médecins) qui préfigure notre besoin insatiable de confort.....