Thèse soutenue

Redécouvrir la conscience par le rêve : le débat entre théories cognitives et théories non cognitives de la conscience à l’épreuve de la recherche sur le rêve
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Auteur / Autrice : Ludwig Crespin
Direction : Sébastien Gandon
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie, épistemologie
Date : Soutenance le 25/11/2016
Etablissement(s) : Clermont-Ferrand 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale des lettres, sciences humaines et sociales (Clermont-Ferrand)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Laboratoire Philosophies et rationalités
Laboratoire : Laboratoire Philosophies et Rationalités / PHIER
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Sébastien Gandon, Jérôme Dokic, Jacques Montangero, Denis Perrin, Jérôme Sackur

Résumé

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En 1995, le philosophe Ned Block a proposé de distinguer deux notions de conscience : une notion purement expérientielle, la « conscience phénoménale », qui désigne l’effet que cela fait d’être dans tel ou tel état mental, et une notion purement fonctionnelle, la « conscience d’accès », ou « accès cognitif » (Block, 2007), entendue comme la capacité du sujet à utiliser ses représentations pour le contrôle de ses opérations cognitives, et, via ces opérations, pour le contrôle de la parole et de l’action. Block défend depuis l’hypothèse très discutée selon laquelle l’expérience consciente, ou « conscience phénoménale », déborde l’accès cognitif du sujet. L’objet central de ce travail est de mettre cette hypothèse à l’épreuve de la recherche sur le rêve. Nous y soutenons principalement les trois arguments suivants : 1. Sous hypothèse d’une continuité entre les propriétés de la mémoire onirique et vigile, on peut objectiver la réalité d’expériences conscientes pendant le sommeil en s’appuyant sur le critère canonique de rapportabilité. De fait, de nombreuses études convergent pour montrer que les sujets peuvent rapporter un contenu onirique qui reflète de manière non équivoque un stimulus présenté plus d’une minute avant l’éveil – ce qui, au regard de l’extrême évanescence de la perception subliminale, ne pourrait pas être le cas si le rêve était un processus inconscient. Sachant que le sommeil s’accompagne d’une sévère désactivation des aires frontales, et en particulier du cortex dorsolatéral préfontal (DlPFC), un tel résultat tend à questionner le modèle neuropsychologique de « l’espace neuronal global de travail » (Dehaeneet Naccache, 2001 ; Dehaene et al, 2006) qui fait dépendre la perception consciente de l’activation de ces aires.2. Le fait même d’objectiver la réalité d’expériences conscientes pendant le sommeil à travers des récits de rêves recueillis à l’éveil implique cependant de reconnaître que ces mêmes expériences ont été remarquées par le dormeur et qu’elles relèvent en ce sens minimum de la conscience d’accès. Pour autant, certains désordres cognitifs de la conscience rêvante, tels notamment que la cécité au changement, suggèrent qu’il ne suffit pas qu’une expérience soit remarquée par le dormeur pour qu’elle relève de plein droit de la conscience d’accès : il fautencore qu’elle puisse être maintenue activement dans la mémoire de travail. Le phénomène bien connu des « dissociations identité-apparence » (Schwartz, 1999) suggère pareillement que la rapportabilité d’une expérience onirique n’assure pas qu’elle soit posée pour le contrôle des opérations cognitives dans le rêve.3. Dès l’instant où l’on a pu objectiver la réalité des expériences oniriques à travers le critère canonique de rapportabilité, il devient possible – là encore, sous hypothèse de continuité –d’inférer de façon empiriquement contraignante l’existence d’une vie consciente non rapportable du dormeur. Se pose alors la question de savoir si un tel vécu, dont on peut soutenir qu’il constitue une forme d’inconscient psychique, relève de plein droit de la conscience d’accès.Enfin, à travers ces trois arguments portant spécifiquement sur la conscience onirique, nous montrons que la recherche sur le rêve permet de questionner de façon privilégiée la notion d’une nécessaire rapportabilité de l’expérience consciente et de faire valoir le concept de modularité de la conscience qui sous-tend l’hypothèse blockéenne du débordement expérientiel (Block, 1995, 1997).