Thèse de doctorat en Biologie cellulaire : neurosciences
Sous la direction de Hélène Castel et de Pierrick Gandolfo.
Soutenue en 2015
à Rouen , dans le cadre de École doctorale Normande de biologie intégrative, santé, environnement (Mont-Saint-Aignan, Seine-Maritime) .
Le jury était composé de Fabrice Soncin, Clara Nahmias, Isabelle Segalas-Milazzo.
La néoangiogenèse est un processus physiologique majeur permettant l’apport constant et adéquat en oxygène et nutriments à l’ensemble des tissus d’un organisme. Dès le développement embryonnaire, la vasculogenèse résulte de l’association des cellules endothéliales en tubes, capillaires puis réseau veineux dans un élégant ballet coordonné par un orchestre cellulaire et moléculaire. Des facteurs de croissance et des peptides définissent l’orientation des cellules, tantôt migrantes de manière directionnelle, tantôt adhésives pour renforcer la structure finale du vaisseau. Chez l’adulte, ce mécanisme intervient dans des phénomènes physiologiques, comme les cycles menstruels ou le remodelage vasculaire adaptatif au développement tissulaire, et physiopathologiques comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge, le diabète ou le cancer. Parmi les cancers, les plus agressifs et chimiorésistants sont ceux qui se caractérisent par une néoangiogenèse particulièrement complexe, dérivant du réseau vasculaire préexistant. C’est notamment le cas des tumeurs cérébrales d’origine gliale, constituées de cellules gliomales malignes, dont les cycles accélérés de mitoses consomment une énorme quantité d’énergie. Ecrasés par la masse tumorale grandissante et sous-dimensionnés pour une telle demande énergétique, les capillaires intracérébraux répondent aux signaux pro-angiogéniques libérés par les cellules cancéreuses, elles-mêmes activées par l’hypoxie progressive qu’elles subissent. Il s’agit du même orchestre de molécules impliquées dans la néoangiogenèse physiologique, comme le stromal-derived factor 1 (SDF-1) ou le vascular endothelial growth factor (VEGF), mais dont les fortes quantités libérées donne lieu à une interprétation qui s’éloigne de l’oeuvre originale, et in fine donne naissance à un réseau souvent chaotique, peu fonctionnel voire hémorragique. Au regard de la sensibilité du tissu cérébral aux anévrismes et/ou oedèmes, ce dernier point s’avère dramatique dans le cas de tumeurs centrales. Le système urotensinergique regroupe deux neuropeptides, l’urotensine II (UII) et son paralogue urotensin II-related peptide (URP), qui activent un RCPG de classe 1 dénommé UT. Classiquement impliqué dans la modulation de paramètres cardiovasculaires et/ou vasoactifs, il a récemment été décrit que ce système est surexprimé dans de nombreux néoplasmes périphériques et centraux. Des travaux menés dans l’équipe « Astrocytes et Niche Vasculaire » (dirigée par le Dr Hélène Castel), ont mis en évidence une nouvelle activité du peptide UII qui agit comme une puissante chimiokine dans le développement des gliomes, i) en induisant la migration directionnelle de cellules tumorales soumises à un gradient de concentration, ou ii) en stimulant leur adhésion lorsqu’elles sont traitées par une concentration homogène d’UII. Ces propriétés, complétées par les données de la littérature montrant que l’UII est impliquée dans le remodelage vasculaire, plaident en faveur d’un rôle central du système urotensinergique dans le développement des tumeurs cérébrales d’origine gliale. Les travaux présentés dans cette thèse de doctorat ont pour objectif de déterminer l’implication du système urotensinergique dans les processus qui concourent au développement des gliomes malins. Par une approche expérimentale sur des cultures de cellules endothéliales humaines, nous avons testé différents ligands de l’UT, i. E. Agonistes naturels ou synthétiques et antagonistes. Nous montrons que seule l’UII est capable de stimuler la migration directionnelle et la formation de tubes endothéliaux. Dans un modèle de chimioattraction in vivo, l’UII entraîne le recrutement de populations cellulaires impliquées dans la formation de capillaires fonctionnels, a priori, à savoir des cellules endothéliales, musculaires lisses et des macrophages. Des cellules tumorales humaines U87-MG, greffées dans des souris immunodéprimées Nude, forment des tumeurs hétérotopiques, qui expriment l’UT aux niveaux vasculaire et tumoral, que nous avons soumises à des traitements par des agonistes (UII, URP, UII4-11) ou antagonistes (palosuran, urantide) de l’UT. L’administration d’UII provoque une accélération drastique de la tumorigenèse, associée à une médiane de survie significativement inférieure au groupe témoin. Le blocage de l’UT avec un antagoniste non peptidique, le palosuran, ou un antagoniste peptidique présentant les caractéristiques d’un ligand biaisé, l’urantide, retardent durablement la croissance tumorale. L’analyse histologique des tumeurs révèle que l’administration d’UII augmente l’index de prolifération des cellules tumorales, accompagnée d’une densification du réseau vasculaire intratumoral tandis que les antagonistes de l’UT, et a fortiori l’urantide, diminuent l’index prolifératif et bloquent l’angiogenèse. Paradoxalement, la balance angiogénique, qui repose sur un équilibre entre les concentrations de facteurs pro- et anti-angiogéniques au voisinage des vaisseaux en formation, est fortement perturbée par les doses d’UII pro-angiogénique et génère une angiotecture fortement altérée. En résulte un réseau de capillaire certes dense, mais peu fonctionnel et hémorragique, responsable de la formation de zones nécrosohypoxiques de plus en plus étendues. Administré sur une longue période, l’urantide induit également une nécrose tissulaire massive, par la diminution drastique du réseau vasculaire, devenant insuffisant pour alimenter le tissu tumoral. Afin de développer des outils théranostiques innovants pour suivre l’évolution des gliomes chez les patients, nous avons développé, en collaboration avec le Laboratoire LITIS (EA4108 équipe QuanTiF, Pr Pierre Véra et Dr Pierre Bohn, Rouen), un protocole d’imagerie singlephoton emission computed tomography (SPECT) à l’aide de sondes spécifiques des intégrines αVβ3 couplées à du technétium radioactif (99mTc-RGD), validé dans des souris Nude xénogreffées avec des cellules de gliomes humain U87-MG et traitées avec de l’UII ou de l’urantide. Nous avons montré qu’au début du développement tumoral, l’αVβ3 est essentiellement localisée dans l’endothélium vasculaire en croissance. L’intégrine est ensuite progressivement retrouvée dans l’ensemble des cellules tumorales. Au terme de nos expériences, la captation de la sonde diminue à mesure de l’apparition de la nécrose intragliomale et de la faible perfusion intratumorale par les néo-vaisseaux malformés. En accord avec cette cinétique, nous avons démontré par immunohistochimie que l’UII et d’une manière surprenante l’urantide, induisent une surexpression d’αV suggérant fortement que l’urantide agirait comme un ligand biaisé. L’ensemble de ces données participe à la compréhension des mécanismes tumorigéniques dans les gliomes malins et à l’identification de nouveaux facteurs. Les systèmes de peptides vasoactifs, de nouveaux candidats identifiés, semblent être des éléments cruciaux impliqués dans la régulation des processus de néoangiogenèse, hypoxie et nécrose, caractéristiques des tumeurs centrales et périphériques de haut grade.
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