Thèse soutenue

Dynamique éco-évolutive de deux ascidies congénériques et interfertiles, l'une indigène et l'autre introduite, dans leur zone de sympatrie
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Auteur / Autrice : Sarah Bouchemousse
Direction : Frédérique Viard
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Diversité du vivant
Date : Soutenance le 11/12/2015
Etablissement(s) : Paris 6
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Adaptation et diversité en milieu marin
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Pierre Boudry, Xavier Turon, Pierre-Alexandre Gagnaire, Sarah Samadi, John D.D. Bishop

Mots clés

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Résumé

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Les activités humaines sont à l’origine de profondes modifications de la distribution naturelle des espèces. Les introductions d’espèces sont en particulier à l’origine de contacts secondaires entre espèces non isolées reproductivement et ayant divergé en allopatrie. Cette situation est un cas d’étude particulièrement intéressant pour étudier des processus éco-évolutifs, tels que la coexistence d’espèces occupant de même niches écologiques ou les flux de gènes contemporains (i.e. hybridation et introgression) entre espèces indigènes et non-indigènes. Cette thèse s’est ainsi intéressée aux interactions écologiques et génomiques entre deux ascidies congénériques et interfertiles, Ciona robusta et Ciona intestinalis. Ces deux ascidies, abondantes dans les habitats portuaires, sont en sympatrie en Manche Occidentale suite à l’introduction récente de C. robusta (supposée originaire du Pacifique Nord-Ouest) dans l’aire de distribution naturelle de C. intestinalis. Par une étude de la distribution spatiale et temporelle (inter-saisonnière et inter- annuelle) des adultes des deux espèces et de la sédentarisation de leurs juvéniles, nous avons montré que les deux espèces coexistent de façon durable, au sein de communautés similaires, à l’échelle régionale. Elles vivent en syntopie dans la majorité des habitats portuaires étudiés, bien qu’il existe une importante dynamique saisonnière de leur abondance relative : C. robusta est surtout présente en fin d’été et en automne, et toujours en moindre abondance par rapport à sa congénère indigène. Cette syntopie, l’interfertilité des deux espèces et le synchronisme de leur maturité sexuelle indiquent un potentiel d’hybridation important entre les deux espèces. L’hybridation réalisée est pourtant faible, comme montré avec quatre marqueurs moléculaires diagnostiques des deux espèces, analysés sur plus de 3000 individus : seulement 4% des individus présentent des génotypes compatibles avec de l’hybridation ou de l’introgression. Ces résultats ont été complétés par une étude de génomique des populations (310 marqueurs SNPs et 450 individus collectés dans différents océans) : ils confirment que les flux de gènes interspécifiques sont très rares. Par ailleurs, les rares locus présentant du polymorphisme partagé montrent un taux d’introgression hétérogène, et l’introgression est également observée dans des localités où seule l’une des espèces existe (ex. côtes américaines et chiliennes). L’ensemble des résultats génétiques et génomiques indiquent que le flux de gènes interspécifique observé résulte d’introgressions anciennes (probablement au Pléistocène) et non contemporaines. Une dernière étude menée à l’échelle mondiale avec des marqueurs mitochondriaux a par ailleurs permis de montrer que les processus d’introduction de C. robusta diffèrent selon les régions d’introduction et pose la question du statut réellement non-indigène des deux espèces dans certaines régions. Ainsi, cette thèse a montré la (quasi)-absence d’hybridation actuelle entre C. robusta et C. intestinalis, en situation de syntopie. Elle ouvre des perspectives quant à l’étude des mécanismes d’isolement reproductif entre ces deux espèces. La question du devenir à long terme des deux espèces, qui par leur coexistence étroite sont en compétition, est posée. Cette compétition pourrait être modulée par leurs préférences environnementales et les changements climatiques en cours dans l’Atlantique Nord. Enfin, cette thèse illustre comment des processus contemporains et anciens interagissent pour façonner la distribution et l’évolution des espèces, la structure génétique de leurs populations et l’architecture de leur génome.