Thèse soutenue

"Tempus edax rerum" ("Le temps rongeur dévore tout", Ovide) : le voyage sur ses propres pas dans les écrits du prince Henryk Lubomirski

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Auteur / Autrice : Dorota Chlanda
Direction : Sarga MoussaIzabella Zatorska
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Lettres et Arts
Date : Soutenance le 11/12/2015
Etablissement(s) : Lyon 2 en cotutelle avec Uniwersytet Warszawski
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Littérature, idéologies, représentations aux XVIIIe et XIXe siècles (Lyon ; 1995-2015)
Etablissement d'accueil : Uniwersytet Warszawski
Jury : Président / Présidente : Karolina Kumor
Examinateurs / Examinatrices : Sarga Moussa, Izabella Zatorska
Rapporteurs / Rapporteuses : Philippe Antoine, Regina Bochenek-Franczakowa

Résumé

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La thèse intitulée « Tempus edax rerum » (« Le temps rongeur dévore tout », Ovide). Le voyage sur ses propres pas dans les écrits du prince Henryk Lubomirski aborde la question d’un second voyage et les incidences du retour dans les mêmes endroits sur la perception de l’auteur. Cette problématique est étudiée à partir de documents manuscrits méconnus jusqu’à présent : le journal de voyage du prince Henryk Lubomirski, la correspondance avec sa mère adoptive la princesse Izabela Lubomirska, et d’autres témoignages conservés dans des archives en Pologne et en Ukraine. Pour entamer nos études, il a fallu définir le phénomène du second voyage qui, pour nous, relève de l’expérience réelle du déjà-parcouru. Cette répétition de l’itinéraire permet de constater les divergences dans la perception des mêmes paysages, sites, monuments dues à divers facteurs, entre autres le vécu et l’histoire personnels qui forment, modifient, varient la sensibilité et la susceptibilité du voyageur. Nous cherchons donc à déterminer la spécificité du regard redoublé, voire renouvelé indépendamment des motifs du déplacement, de sa destination et de la biographie du voyageur. Dans la première partie de la thèse, nous présentons l’histoire du second voyage à partir du Moyen Âge, l’époque où le phénomène est très rare, jusqu’à la Révolution qui marque une rupture, qui met un terme à un certain type de périple et donne naissance à une pratique viatique liée à la nouvelle sensibilité issue de ce grand bouleversement. Nous essayons de démontrer ce qui est particulier et ce qui est universel dans cette expérience. Le second voyage est analysé à partir des pérégrinations de Goethe à travers l’Italie et des retours de Chateaubriand à Londres et à Rome. Chez ces grands écrivains la répétition évoque des émotions différentes. Goethe est déçu, les nouvelles impressions chassent les anciennes, la valeur associée au second voyage se fonde sur l’effacement. Chateaubriand, par contre, tente un rapprochement entre différentes périodes de sa vie et il constate une accumulation des sensations. Les deux exemples des voyageurs polonais qui ont effectué un second voyage complètent ce parcours historique. Dans la deuxième partie, nous exposons la biographie du prince Henryk Lubomirski et les circonstances de son second voyage. Nous parlerons de sa formation et de l’influence décisive de sa mère adoptive qui sera la compagnonne de son Grand Tour dans les années 1789-1790, ainsi que de son activité à l’âge mûr, à savoir la protection du patrimoine culturel polonais. En 1811, le prince et sa famille quittent Genève à cause de problèmes de santé de son épouse. Le séjour dans le Midi devait l’aider à se remettre et à retrouver l’équilibre mental. Cette pérégrination se déroule à travers la France postrévolutionnaire, partout les traces des bouleversements historiques se laissent percevoir. Le prince Lubomirski décrit minutieusement leur itinéraire, le logement, les moyens de transport et les manifestations culturelles auxquelles il assiste. Il note aussi les prix et donne d’autres renseignements pratiques. Ce qui l’intéresse, c’est le paysage qu’il perçoit avec une nouvelle sensibilité si caractéristique pour cette époque charnière. La recherche du sublime et les réflexions sur la relation entre la nature et l’état de l’âme ainsi que sur la fragilité du destin humain se multiplient dans le récit. La troisième partie est consacrée à la question de la mémoire et à ses différentes apparitions : individuelle, collective, nationale. Nous observons qu’aucun regard n’est « innocent », il est toujours chargé de l’histoire personnelle du sujet. La mémoire permet d’opérer une relecture des endroits déjà visités et déclenche des souvenirs. Grâce à son activité affective, elle transforme des lieux neutres en emblèmes de l’agréable, le voyageur récupère le monde disparu et se retrouve soi-même.