Thèse soutenue

Le Ghetto de Venise, anthropologie contemporaine d’une ancienne enclave urbaine

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Auteur / Autrice : Antonella Di Trani
Direction : Alban Bensa
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie sociale et ethnologie
Date : Soutenance en 2015
Etablissement(s) : Paris, EHESS

Mots clés

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Résumé

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En 1516 le Sénat de la République de Venise institue un lieu de résidence forcée pour les Juifs de la cité lagunaire. Il persiste jusqu’en 1797 date à laquelle Napoléon abat les grilles du Ghetto. Le départ progressif d’une partie des Juifs vers la ville et l’arrivée de citadins chrétiens dans l’ancienne enclave ont progressivement recomposé sa population. En analysant les processus en œuvre en ce lieu, cette thèse se propose d’abord de réinterroger la notion de Ghetto à travers le cas singulier de Venise. En portant une attention particulière à la trajectoire sémantique de ce mot pris entre représentations et usages abusifs, la thèse entend démontrer comment les différents acteurs, Juifs vénitiens, habitants chrétiens, visiteurs et nouveaux arrivants hassidiques viennent tour à tour réactualiser ses significations par rapport à sa fonction originelle et son sens premier. En quoi est-il encore un ghetto alors qu’il a perdu sa spécificité coercitive ? Quel rapport la communauté juive vénitienne, dont seules trente personnes habitent encore dans le ghetto, entretient-t-elle à ce qu’ils appellent leur « lieu de référence historique » ? Après avoir été délaissé par les politiques urbaines, le Ghetto fait l’objet d’un regain d’intérêt de la part de la ville et surtout de la communauté juive locale. Face à sa dévitalisation et à l’implantation récente d’une nouvelle communauté juive hassidique en provenance des Etats-Unis, les Juifs vénitiens sont obligés de repenser leur rapport généalogique et présent au Ghetto, devenu lieu d’enjeux sociaux impliquant à la fois son histoire longue et sa matérialité. Ces différents acteurs se réapproprient ainsi le ghetto par la construction d’un discours spécifique, des usages distinctifs de l’espace public et des anciennes limites historiques. Selon les perceptions qu’ils ont du lieu, ces différents acteurs confondent ces limites dans l’économie de la ville ou au contraire ils les réaffirment en sortant le ghetto de son état de latence. Il s’agit de rendre compte des différents modes de réactivation de son histoire au présent. Si les Juifs vénitiens font usage du passélocal et des ressources patrimoniales pour revaloriser ou revitaliser le Ghetto et réaffirmer leur appartenance àce lieu, les nouveaux arrivants entendent y légitimer leur présence. S’ils sont plus démunis que les premiers parce qu’ils ont une expérience sociale toute récente du lieu, leur communautéest plus structurée et active. Le Ghetto devient un espace de force oùchacune des deux communautés juives mobilise des stratégies pour construire leur visibilitéet représenter la judéitédans cet espace «emblématique». Son histoire longue est aussi réactivée par les habitants chrétiens soucieux de le préserver comme lieu de vie quotidienne face àaux possibles dérives missionnaires et touristiques d’un Ghetto en devenir.