Thèse soutenue

« Le grand chef doit être comme le grand tas d’ordures » : gestion des déchets et relations de pouvoir dans les villes de Garoua et Maroua (Cameroun)

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Auteur / Autrice : Emilie Guitard
Direction : Michael HousemanChristian Seignobos
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie
Date : Soutenance le 02/12/2014
Etablissement(s) : Paris 10
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Espaces, Temps, Cultures (Université Paris Nanterre)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative (Nanterre ; 1967-...)
Jury : Président / Présidente : Giorgio Blundo
Examinateurs / Examinatrices : Michael Houseman, Christian Seignobos, Giorgio Blundo, Delphine Corteel, Jean-Pierre Warnier, Augustin Ferdinand Charles Holl
Rapporteurs / Rapporteuses : Delphine Corteel, Jean-Pierre Warnier

Résumé

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Dans les villes moyennes de Garoua et Maroua, au Nord et à l’Extrême Nord du Cameroun, on dit des « chefs », soit des détenteurs de l’autorité à l’échelle d’une famille, d’un quartier, de la cité ou autrefois d’un royaume, qu’ils doivent être « comme des grands tas d’ordures ». Ce proverbe situe ainsi les relations de pouvoir et l’exercice de l’autorité dans un rapport particulier avec la gestion des déchets : le chef doit se montrer patient et hiératique comme un grand dépotoir, lorsqu’il reçoit toutes les insultes et les plaintes de ses sujets comme autant d’immondices ; mais, selon un registre ésotérique développé par les religions locales puis repris dans le cadre musulman, on attend aussi qu’il fasse preuve de la même puissance, magique notamment, que celle dégagée par une grande et ancienne accumulation de déchets. Les conceptions locales des excrétions corporelles, des objets déchus et des restes des activités du quotidien font en effet du contrôle et de la manipulation des déchets un élément majeur d’une « gouvernementalité » (Foucault) particulière. Celle-ci s’opère via des « techniques du corps » et des « techniques de soi » spécifiques autour du détachement entre soi, ses déchets corporels et ses possessions matérielles. L’analyse généalogique des discours et des pratiques de gestion individuelles et institutionnelles des déchets depuis la fondation des deux villes au XVIIIe siècle jusqu’au début du XXIe siècle, marqué par la privatisation de ce service public, permet alors de saisir comment les tas d’ordures dans ce contexte peuvent être considérés comme de véritables « dispositifs de pouvoir » et le contrôle des immondices comme un instrument puissant de gouvernement de soi et des autres.