Thèse soutenue

« Chansons-Théâtre-Poésie » au cabaret de l’Écluse (1951-1974) : expérience et poétique des variétés

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Auteur / Autrice : Marine Wisniewski
Direction : Olivier Bara
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Lettres et arts
Date : Soutenance le 17/11/2014
Etablissement(s) : Lyon 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Littérature, idéologies, représentations aux XVIIIe et XIXe siècles (Lyon ; 1995-2015)
Jury : Président / Présidente : Mireille Losco-Lena
Examinateurs / Examinatrices : Michel Collot
Rapporteurs / Rapporteuses : Florence Naugrette, Brigitte Buffard-Moret

Mots clés

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Résumé

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Le cabaret de l’Écluse est une petite salle de spectacles, ouverte entre 1951 et 1974 au 15, quai des Grands Augustins à Paris, et dont la particularité est de programmer chaque soir des numéros variés — chant, sketch comique, poésie récitée, marionnettes, mime et projection de dessins. Au fil des vingt ans d’existence de ce cabaret, s’y produisent des artistes aussi divers que Barbara, Raymond Devos, Marcel Marceau, Yves Joly, Philippe Noiret et Jean-Pierre Darras ou Cora Vaucaire. À rebours de l'éclectisme déroutant du spectacle qu'il accueille, c'est en tant que lieu que le cabaret de l'Écluse semble le mieux « donner prises », construisant son identité à partir d'une localisation parisienne qui l'insère dans un paysage urbain, social et culturel soutenu par une tradition historique complexe. Il fait ainsi partie des cabarets dits « rive gauche », qui fleurissent près de la Seine après la Seconde Guerre mondiale et affichent spatialement leur refus du divertissement commercial qu’offrent par ailleurs les « boîtes » plus luxueuses de la rive droite. Cette lecture déterminée de l’espace qui fait du cabaret un mot-valeur doit être comprise dans une histoire plus longue. Se construit en effet depuis le XIXe siècle, loin des premières représentations du lieu, d’abord attaché à une inquiétude sociale, l’image du cabaret comme un espace refuge où la poésie trouverait à s’épanouir contre l’affirmation croissante d’une culture industrielle et commerciale.En dépit d’un tel patrimoine axiologique, le cabaret de l’Écluse présente une réalité plus métissée. S’il rend hommage à des modèles littéraires prestigieux, comme le Chat Noir ou le Lapin Agile, dont il contribue à prolonger le mythe, il intègre pourtant, pour chacun de ses numéros, les apports du café-concert, du music-hall et du cinéma — autant de manifestations associées à une culture du divertissement souvent bannie du champ littéraire. Cette hétérogénéité est soulignée par la formule même du spectacle, qui érige la variété en principe de composition. À la diversité des modes d’expression convoqués répond ainsi le caractère composite de leurs héritages. L’Écluse apparaît donc comme un objet pluriel qui exige, pour être pensé, de fonder de nouvelles catégories d’analyse. C’est précisément au prisme de la variété, envisagée comme un véritable outil méthodologique aux prolongements herméneutiques et éthiques féconds, que nous l’étudierons.Irréductible aux déterminations axiologiques, le cabaret de l'Écluse fait vaciller la stabilité de son ancrage géographique, et nous oblige à repenser les territoires et prérogatives du littéraire, qu'il n'effleure, par le biais poétique, que pour mieux le sidérer. Quelle place accorder à ce lieu rebelle qui prend de cours nos critères d'analyse traditionnels et rend illisible le paysage artistique et culturel qu'explorent les études littéraires ? À force d'écarts et de détours, le lieu qui s'imposait à nous par sa visibilité évidente ne risque-t-il pas de perdre toute consistance ? L’Écluse parviendrait à demeurer — telle est notre hypothèse — en transformant le lieu géographique et social du cabaret pris dans les mailles d'un réseau et d'un champ, dans les filets de déterminations historiques, en un espace poétique délié. Lieu traversé, habité de propositions spectaculaires variées, il fonderait à partir de leur mise en présence cet espace poétique, que nous nous proposerons de définir non comme une certaine mise en forme du texte mais comme un réseau d’échos, tissés d’une prestation à l’autre. Cette « manœuvre foudroyante de rapports » déplace la production du sens du plain-chant à ses résonances.