Thèse soutenue

Les nanotechnologies ou l'impensé de l'épistémologie : d'une science qui représente à une science qui intervient

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Auteur / Autrice : Thierno Guèye
Direction : Denis VernantSerge Robert
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 18/06/2014
Etablissement(s) : Grenoble en cotutelle avec Université du Québec à Montréal
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de philosophie (Lyon ; Grenoble ; 2007-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Institut de philosophie de Grenoble
Jury : Président / Présidente : Jean-Yves Goffi
Examinateurs / Examinatrices : Serge Robert, Christophe Malaterre
Rapporteurs / Rapporteuses : Bernadette Bensaude-Vincent, Anouk Barberousse

Résumé

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Nous examinons une question que l'avènement des nanotechnologies rend de plus en plus pressante pour la philosophie des sciences. Elle prend les allures d'une critique de cette dernière en se fondant sur quelques théories philosophiques, représentatives et suffisamment originales sur la science, développées par Thomas Kuhn, Imre Lakatos, Ian Hacking et Serge Robert. Les différents discours sur les nanos et plus précisément le concept de nanotechnologie se sont révélés, à tout le moins, polysémiques et décrivent parfois prématurément une activité qui n'existe pas encore. Ainsi, nous avons requalifié le concept de nanotechnologie en « nanotechnoscience ». Puis nous avons confronté les philosophies des sciences que nous avons retenues aux fins de les mettre à l'épreuve de ce qui apparaît comme un impensé de leurs philosophies, notamment la dimension technologique de la science souvent connue et reconnue, mais « sous-traitée » et reléguée au mieux au second plan. Nos recherches ont donc porté sur chacune des philosophies que nous avons annoncées, sur les nanotechnosciences elles-mêmes, la philosophie de la technologie, mais aussi sur celle naissante des technosciences et des nanotechnosciences sans oublier notre ouverture à des fins heuristiques sur la philosophie du langage d'Austin et la praxéologie de Denis Vernant. Dans cette étude, nous avons traité d'étymologie, d'histoire du préfixe nano et de définition. Puis, nous avons examiné attentivement les différentes philosophies des sciences par lesquelles il nous a paru pertinent d'examiner les nanotechnosciences émergentes afin de voir ce qui dans ces doctrines permettrait d'envisager une réflexion philosophique sur les nanos. Sachant que ces pensées privilégient la représentation sur l'intervention, nous nous sommes posés la question de la place de la technologie dans ces systèmes philosophiques avec l'idée que la technologie est une condition nécessaire quoique non suffisante de toute philosophie à prétention technoscientifique ou nanotechnoscientifique. C'est dans cette optique que nous avons sollicité la théorie des paradigmes, puis celle du falsificationnisme sophistiqué revu et corrigé par le correctionnisme de Robert avant de tenter l'interventionnisme de Hacking. Nous avons pu constater l'omniprésence de la technologie tout comme l'hétérogénéité de la place qui lui est accordée dans ces théories philosophiques. Ainsi de Kuhn à Hacking, la reconnaissance du rôle et de la place de la technologie va crescendo, au point de nous inviter à penser les nanotechnosciences en termes d'« actes de discours ». L'enchevêtrement ou l'entrelacement entre science et technologie nous a inspiré deux analogies : la première avec l'idée de « contexte de performance oral » de Mamoussé Diagne analogue elle-même à la seconde, la performativité introduite et initiée par les réflexions d'Austin sur le discours ordinaire. Notre investigation prend les allures d'une mise à l'épreuve de toutes ces philosophies à l'aune de la place qu'occupe la technologie dans leurs systèmes respectifs. Nous avons eu recours à l'analyse comparative des discours philosophiques sur la science ainsi que ce que nous avons appris sur les pratiques scientifiques, le tout complété par une approche lexicométrique basée sur le corpus des principaux ouvrages de Kuhn, Lakatos, Robert et Hacking. Notre démarche nous a amené à mettre en cause l'étymologie du préfixe nano trop hâtivement attribuée au grec alors qu'il serait plus à propos de la considérer comme latine, puis nous avons tenté d'établir l'idée que les « nanotechnologies » n'existent pas et que ce que l'on appelle bien souvent ainsi relève d'un abus de langage et d'une sorte d'anachronisme inversée. De cette critique nous avons tenté de tirer des leçons qui ont inspiré la requalification conceptuelle de l'activité qu'est censé désigner ce morphème en « nanotechnoscience » que nous avons redéfini en tenant compte de plusieurs facteurs déterminants.