Thèse soutenue

Le théâtre de Juan Mayorga : de la scène au monde à travers le prisme du langage

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Auteur / Autrice : Claire Spooner
Direction : Monique Martinez ThomasBegonya Sàez i Tajafuerce
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Espagnol
Date : Soutenance le 09/07/2013
Etablissement(s) : Toulouse 2 en cotutelle avec Universitat autònoma de Barcelona
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Arts, Lettres, Langues, Philosophie, Communication (Toulouse)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Lettres, langages et arts (Toulouse)
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Eduardo Pérez-Rasilla, Francisco Gutiérrez Carbajo
Rapporteurs / Rapporteuses : Gabriela Cordone, Carole Egger

Mots clés

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Résumé

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Juan Mayorga signe le retour en force du verbe dans la dramaturgie espagnole contemporaine. Cette thèse pense son œuvre comme une "carte du monde" qui reflète et interroge certaines facettes de la réalité à travers le prisme du langage. L’étude des scènes de langage et du langage de la scène fait appel aux théories de pragmatique du discours. Ensuite, les analyses de la théâtralité de la parole (la manière dont les mots prennent corps et sens sur scène et dans le monde) montrent que chez ce dramaturge, la puissance imageante de la parole est étroitement liée à la "faille" du discours. La "faille", qui occupe une place centrale dans l’œuvre de Juan Mayorga, souligne et relaye les limites du langage, ouvrant sur une scène dialectique, d’où on peut (le) penser autrement. Entre les mots, dans les "failles" du discours logique, surgit l’ineffable, c’est-à-dire le Réel au sens lacanien. La question de l’aporie du voir et du dire révèle la part décisive de l’absence et du manque dans la représentation : celle-ci relève d’un engagement dramaturgique et esthétique, mais aussi éthique. Choisir de faire de la scène une cartographie des "failles" du discours, des silences de l’histoire, et des absences du monde, c’est le fruit d’un parti pris. À travers le prisme d’un verbe dont nous relevons le caractère fragmentaire, c’est une manière de penser et d’interroger le monde qui apparaît. Ce travail puise dans les courants philosophiques qui (sous-)tendent l’écriture de Juan Mayorga : les thèses de Walter Benjamin sur l’histoire, les écrits de Ludwig Wittgenstein, Theodor Adorno, Giorgio Agamben et Jean-Luc Nancy, portant sur la dicibilité ou la représentablité de l’indicible, mais aussi l’ontologie contemporaine, en particulier la pensée de Jacques Derrida et de Sören Kierkegaard, qui détournent la logique dichotomique propre à la dialectique hégélienne. Le langage lui-même est créateur de relations dialectiques indépassables que le dramaturge met en scène à partir de tensions se multipliant à l’infini dans une esthétique du discontinu (dire/taire, montrer/cacher, montrer/dire, etc.). Cette thèse les met en lumière et en interroge les enjeux. À cet effet, la notion de "rhizome" de Gilles Deleuze et Félix Guattari, ainsi que celle de "scène invisible" (issue de la "critique des dispositifs"), fournissent des éléments théoriques de réflexion qui débouchent sur un même constat : le sens réside dans l’interruption. La thèse est un cheminement à travers l’œuvre de Juan Mayorga, dont il s’agit de découvrir entrées et sorties, s’engouffrant dans ses "failles", pour enfin s’arrêter sur des bifurcations, ramifications, ou nœuds – car en eux se cristallise la "scène". Au fil de son expérience théâtrale rhizhomatique et souterraine, le "spectalecteur" mayorguien est invité à être entre, à devenir animal (Deleuze et Guattari), et à interroger l’envers du décor.