Thèse soutenue

Franchir pour unir, équiper pour rattacher : les premiers chemins de fer en Savoie : intentions, usages, représentations (années 1830-1880)

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Auteur / Autrice : Emilie Cottet Dumoulin
Direction : Denis Varaschin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 04/12/2013
Etablissement(s) : Grenoble
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Laboratoire Langages, littératures, sociétés (Chambéry ; 2003-2013)
Jury : Président / Présidente : Nicolas Marty
Examinateurs / Examinatrices : Denis Varaschin, Yves Bouvier, Michèle Merger, Jean Varlet
Rapporteurs / Rapporteuses : Nicolas Marty, Andrea Giuntini

Résumé

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La mise en place des premiers chemins de fer en Savoie est un sujet qui est longtemps resté dans l'ombre des études sur la percée du tunnel du Mont-Cenis. Cependant, l'histoire de ce mode et les intentions sous-jacentes à la construction de ce réseau sont bien antérieures à la mise en exploitation de cet ouvrage (1871) et même des débuts de son percement (1857). Ce tunnel est évidemment un élément essentiel, voire central, en ce qu'il accompli la quête de continuité modale ferroviaire à l'échelle de la liaison Europe du nord-péninsule italienne. Mais, il est aussi l'aboutissement d'un processus technique, économique et politique qui débute dans les années 1830. L'intérêt du chemin de fer en Savoie ne réside ainsi pas uniquement dans la prouesse technique qu'il représente. Il convient, à la lumière des évolutions de l'historiographie récente, d'interroger cet objet singulier à plus d'un titre. Cette singularité tient à deux éléments majeurs autour desquels il est possible de problématiser le traitement proposé : l'antériorité à la plupart des chemins de fer établis dans les Alpes, et le contexte politique particulièrement instable. La question de l'unité italienne, l'annexion de la Savoie à la France, l'évolution des relations franco-sardes puis franco-italiennes contribuent à dessiner ce chemin de fer qui en est une émanation plus ou moins directe. D'un outil de liaison entre un centre et sa périphérie « d'outre-monts » (époque sarde), ce chemin de fer devient un outil de projection internationale d'échelle européenne avec le tunnel, avant de devenir un enjeu d'intégration d'une périphérie dans le territoire français. La dimension locale et sociale ainsi que les questions touchant aux représentations ne sont toutefois pas à négliger, comme nous y invitent les récentes évolutions qui peuvent se caractériser par le passage d'une histoire des transports à une histoire de la mobilité. La réflexion proposée tend, en considérant ces éléments, à interroger le chemin de fer en Savoie des années 1830 aux années 1880 comme le miroir d'une convergence d'ambitions sur un même territoire politiquement intermédiaire. Le chemin de fer en Savoie, tout en demeurant un instrument politique et une aventure financière qui doit s'adapter au contexte géopolitique, ne serait-il pas plus profondément un nœud de confrontation entre recherches d'opportunités locales et d'intérêts internationaux ? La recherche de rentabilité des acteurs financiers (Compagnie Savoyarde, Compagnie Victor-Emmanuel, Compagnie du PLM) qui prennent part à la construction et à l'exploitation du réseau qui se met progressivement en place à travers et sur le territoire savoyard, se heurtent aux visées de l'Etat sarde, puis français. Ces derniers entendent de leur côté faire jouer principalement un rôle politique au chemin de fer. Ces intérêts politiques se heurtent à leur tour aux ambitions commerciales des puissances européennes, notamment de la Grande-Bretagne, qui voient dans le chemin de fer à travers la Savoie – et surtout dans le tunnel du Mont-Cenis – un axe de transit à portée internationale vers la Méditerranée et donc vers les Indes. Les élites locales, de leur côté, voient dans le chemin de fer un puissant moteur de développement économique et un moyen pour leur territoire d'exister dans la politique nationale. Quant au reste de la population savoyarde, il demeure en dehors des débats qui entourent les intentionnalités et la matérialisation du chemin de fer, tout en subissant les bouleversements qui découlent de son implantation. Fascinations et peurs se mêlent dans leurs représentations de cette incarnation du progrès. Le chemin de fer se pose ainsi en point de rencontre et d'articulation des diverses lignes de force qui font la trajectoire du territoire savoyard.