Thèse de doctorat en Biologie
Sous la direction de Alban Lemasson et de Klaus Zuberbühler.
Soutenue en 2012
à Rennes 1 en cotutelle avec l'Université de St Andrews (Grande-Bretagne) , dans le cadre de École doctorale Vie-Agro-Santé (Rennes) , en partenariat avec Université européenne de Bretagne (autre partenaire) .
Vie sociale et flexibilité du comportement vocal chez le singe Diane et autres cercopithécidés
Recent studies on the social life and vocal production, usage and comprehension of nonhuman primate shave brought new insights into the evolutionary mechanisms of cognition and communication as well as the emergence of language. A key point in the current literature concerns the flexibility of vocal production. In contrast to humans, some birds and some cetaceans, vocal flexibility is thought to be very restricted in nonhuman primates, which creates a startling phylogenetic gap. At the same time, research has shown that a number of African forest guenons' alarm calls appear to have language-like properties. With the hypothesis that looking at the vocal repertoire more broadly, especially the social calls, was likely to reveal other complex communicative abilities, I studied in detail the social life and vocal behaviour of a guenon species, Diana monkeys. First, the comparison of its social system with the system of another closely related species, Campbells' monkeys, stressed in both species the reduced number of physical interactions, although females maintained preferential relationships that were not biased towards kin. Second, the study of Diana females' vocal repertoire is restricted but flexible. Females emit social calls with a combinatorial structure, which use is affected by external events. Third, focusing on a highly frequent and highly social call revealed flexibility in the identity advertisement(divergence – convergence) which accommodates to the context. Fourth, to explore the nature of nonhuman primates' comprehension skills, I performed playback experiments of De Brazza monkey social calls to three species of Old World monkeys, Campbell's monkeys, black-and-white colobus monkeys and red-capped mangabeys. All together, the three species were able to discriminate hetero-specific voices of individuals they knew from individuals they had never met. Overall, my results have revealed a considerable degree of flexibility in the vocal communication of nonhuman primates, a finding that is consistent with the hypothesis of a continuous evolutionary transition from animal vocal behaviour to human language.
Les études récentes portant sur la vie sociale et la production, l'utilisation et la compréhension des vocalisations chez les primates non humains ont ouvert de nouveaux champs de perspectives sur les mécanismes évolutifs de la cognition et de la communication ainsi que l'émergence du langage. Un débat dans la littérature actuelle concerne la flexibilité de la production vocale. En effet, contrairement aux humains, à certains oiseaux et à certains cétacés, la flexibilité vocale des primates non humains semble très restreinte, à l'origine d'un fossé phylogénétique saisissant. Cependant, les recherches menées sur un certain nombre de cercopithèques africains forestiers ont révélé que les cris d'alarme de ces derniers semblaient avoir des propriétés proches de celles du langage humain. Partant de l'hypothèse selon laquelle les cris à forte valeur sociale étaient susceptibles de révéler des capacités communicatives encore plus complexes, j'ai étudié en détails la vie sociale et le comportement vocal d'une espèce de cercopithèques, le singe Diane. Premièrement, la comparaison du systèmesocial avec celui d'une espèce phylogénétiquement proche et connue pour sa flexibilité vocale, la mone de Campbell, a permis de souligner un nombre restreint d'interactions physiques, bien que les femelles entretiennent des relations préférentielles, et que ces relations n'étaient pas biaisées par les liens de parenté. Deuxièmement, l'étude du répertoire vocal des femelles Diane a montré qu'il était restreint mais flexible. Les femelles émettent des cris sociaux à structure combinatoire, dont l'utilisation est modulée par des évènements extérieurs. Troisièmement, le focus sur un cri très fréquent et très social a révélé une flexibilité de la composante identitaire divergence – convergence s'accommodant au contexte. Quatrièmement, l'aspect poly-spécifique des associations naturelles a été pris en compte en abordant les capacités de compréhension chez les primates non humains. Des repasses de cris sociaux de singes Brazza ont été effectuées à trois autres espèces de singes de l'ancien monde, les mones de Campbell, les colobes noir et blancs ainsi que les mangabés à collier. Dans l'ensemble, les trois espèces étaient capables de différencier des voix hétérospécifiques connues de voix jamais entendues. Globalement, les résultats obtenus ont révélé un degré considérable de flexibilité dans la communication vocale de primates non humains, ce qui est en accord avec l'hypothèse d'une transition évolutive continue depuis la communication vocale animale au langage humain.