Thèse soutenue

Une ville et sa multinationale, une multinationale et sa ville : emprise spatiale, organisation sociale, fonction économique et régulation politique du « territoire Michelin » à Clermont-Ferrand (fin XIXe à nos jours)
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Auteur / Autrice : Thomas Zanetti
Direction : Vincent Veschambre
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Géographie, aménagement et urbanisme
Date : Soutenance le 03/12/2012
Etablissement(s) : Lyon 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Environnement, Ville, Societes (IRG)
Jury : Président / Présidente : Rodolphe Dodier
Examinateurs / Examinatrices : Christophe Demazière, François Duchêne, Viviane Claude, Bernard Pecqueur

Résumé

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Michelin est une firme multinationale présente sur tous les continents, elle détient près de 70 sites à travers le monde, qui emploient au total 108 000 salariés. En ce sens, l’entreprise a la capacité de valoriser divers territoires d’implantation dans le cadre de la mondialisation de ses activités, en s’émancipant des contraintes spatiales pour répondre à une consommation globale. Or, la multinationale du pneumatique a toujours maintenu son siège social dans la ville où l’entreprise industrielle est née à la fin du XIXème siècle, Clermont-Ferrand, signe qu’un degré élevé de mondialisation peut coexister avec un ancrage territorial centenaire. Il convient alors de s’interroger sur les ressorts, nécessairement évolutifs, de l’enracinement clermontois de Michelin. De la fin du XIXème siècle jusqu’à la Seconde guerre mondiale, l’entreprise a mis en place à Clermont-Ferrand un système paternaliste d’encadrement social de la force de travail qui accompagnait l’existence de l’ouvrier du « berceau à la tombe ». Cités-jardins, écoles, équipements médicaux, sportifs, œuvres sociales, etc. ont ainsi été conçues pour attirer, fidéliser et finalement assujettir une main-d’œuvre généralement issue du milieu rural auvergnat. S’ajoutant à l’emprise spatiale des sites industriels, tous localisés sur la commune de Clermont-Ferrand et composant un « espace Michelin » s’étalant entre les centres anciens de Clermont et de Montferrand, l’ensemble des équipements du système paternaliste dessine un « monde Michelin », défini comme une entité socio-spatiale autonome par rapport au reste de la société urbaine locale.Cette organisation sociale spécifique a une finalité essentiellement productive. Confrontée à l’absence de tradition industrielle qui caractérise la région clermontoise au début du XXème siècle, la firme façonne un milieu économique progressivement soumis à la croissance d’une mono-industrie, celle du caoutchouc, puis à une seule entreprise, Michelin. Cette dernière devient alors le principal moteur de l’économie locale, le puissant leader d’un bassin qui s’industrialise brutalement.Enfin, les relations de l’entreprise avec les pouvoirs publics locaux sont déterminantes pour comprendre comment un acteur privé a pu conformer une ville à ses logiques économiques. En effet, le déploiement d’une initiative sur l’espace ne se peut se réaliser sans lien avec le pouvoir institutionnalisé des élites politiques, celles-ci maîtrisant des ressources réglementaires indispensables à la mise en œuvre de l’aménagement urbain. Le concours de Michelin à la fabrique de la ville est ainsi indissociable des initiatives publiques, menées notamment par la municipalité de Clermont-Ferrand. Au final, on peut considérer qu’on assiste, dans la première moitié du XXème siècle, à la construction, par une entreprise, d’un territoire formé de quatre dimensions interdépendantes : une emprise spatiale, une organisation sociale, une fonction économique et une régulation politique. Une fois posées les modalités de la constitution de ce « territoire Michelin », l’objectif de ce travail est d’analyser comment cette construction territoriale évolue dans le temps, selon un cycle de « territorialisation / déterritorialisation / reterritorialisation » qui renouvelle les conditions de l’ancrage territorial d’une firme mondiale et renseigne sur la dialectique entre local et global, le territoire pouvant alors être considéré comme une clé de lecture du capitalisme et de ses conséquences sur l’évolution des sociétés urbaines.