Thèse soutenue

Conseillers et conseillères agricoles en France (1945 -1983) : l'amour du progrès aux temps de la "révolution silencieuse"

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Auteur / Autrice : Sylvain Brunier
Direction : Anne-Marie Granet-Abisset
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 04/12/2012
Etablissement(s) : Grenoble
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (Lyon ; 2003-....)
Jury : Président / Présidente : Jean-Luc Mayaud
Examinateurs / Examinatrices : Anne-Marie Granet-Abisset, Jacques Rémy, Anne Dalmasso
Rapporteurs / Rapporteuses : Claire Lemercier, Laurent Rieutort

Résumé

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L'histoire des conseillers et conseillères agricoles offre la possibilité de relire à frais nouveaux le processus de modernisation de l'agriculture française de la Libération au début des années 1980. Etudier l'histoire de ce devenir professionnel singulier induit un double questionnement sur les moyens déployés dans le cadre du projet modernisateur après-guerre, ainsi que sur la professionnalisation du groupe des conseillers et conseillères, en refusant de faire de ces derniers de simples courroies de transmission des politiques publiques. Dans les années 1945-1959, de nouvelles formes d'encadrement des pratiques agricoles sont mises à l'essai, dans la perspective de planifier l'accroissement de la productivité du travail agricole. Pour inciter les agriculteurs à transformer leurs pratiques, les promoteurs de la vulgarisation du progrès technique imaginent des dispositifs inédits reposant sur la présence permanente d'un technicien aux côtés des agriculteurs. Ces premiers conseillers agricoles se placent progressivement sous la tutelle des organisations professionnelles agricoles, et des Chambres d'agriculture en particulier, pour affirmer leur autonomie vis-à-vis des services de l'État d'un côté, et des entreprises commerciales de l'autre. La notion d'économie morale de la modernisation du monde agricole permet de rendre compte de la convergence politique entre ces conseillers et les représentants de la petite et moyenne paysannerie en voie de modernisation. La première reconnaissance officielle accordée aux conseillers agricoles par les décrets de 1959 ouvre une seconde période, qui s'étend jusqu'au début des années 1970, marquée par la constitution d'un groupe professionnel spécifique des conseillers et conseillères agricoles. Ce processus de professionnalisation demeure pourtant inachevé, le passage de la vulgarisation au développement institué par le décret du 4 octobre 1966 initiant un contrôle plus resserré du conseil en agriculture. Appuyés sur les centres de formation, les services techniques des Chambres d'agriculture, les groupements techniques agricoles locaux, ainsi que sur leurs syndicats, les conseillers et conseillères parviennent néanmoins à forger un imaginaire professionnel attractif, qui devient un point de référence incontournable pour l'ensemble des intervenants d'un secteur para-agricole alors en pleine croissance. Le métier de conseiller se définit par un jeu constant sur la proximité et la distance aux agriculteurs, supposant une intelligence pratique des pratiques agricoles et une habileté particulière pour les détourner de leur cours habituel, dans la double perspective d'un accroissement continu de la productivité du travail agricole et de la promotion sociale des exploitants familiaux. En 1972, la crise de l'appareil de développement inaugure une troisième phase de l'histoire des conseillers agricoles. A l'aune des instruments introduits par le programme de Rationalisation des choix budgétaires, leur intervention est désormais critiquée pour son manque d'efficacité. Concurrencés par des agents de développement agricole toujours plus nombreux, conseillers et conseillères tendent à s'effacer comme groupe professionnel spécifique sur le plan national, tout en élaborant de nouvelles stratégies sur les plans local et départemental pour réinventer leur relation aux agriculteurs. L'organisation des États généraux du développement agricole en 1982-1983 entérine la coexistence de plusieurs logiques de développement là où le projet modernisateur était d'abord institué comme élan unitaire du monde agricole vers le progrès. Si le groupe professionnel des conseillers et conseillères se décompose progressivement selon les logiques propres aux différents métiers du conseil, empêchant une réelle transmission de leur identité collective, l'institution imaginaire du métier de conseiller continue d'irriguer les initiatives en matière de développement agricole et rural.