Thèse soutenue

Variabilité climatique holocène et impacts anthropiques historiques en zone subarctique : étude multiparamètre de la séquence sédimentaire du lac d'Igaliku (Groenland).
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Auteur / Autrice : Charly Massa
Direction : Hervé RichardVincent Bichet
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Archéologie
Date : Soutenance le 06/07/2012
Etablissement(s) : Besançon
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Langages, Espaces, Temps, Sociétés (Besançon ; 1991-2016)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire chrono-environnement (Besançon) - Laboratoire Chrono-environnement
Jury : Président / Présidente : Valérie Masson-Delmotte
Examinateurs / Examinatrices : Hervé Richard, Vincent Bichet, Valérie Masson-Delmotte, Marc Desmet, Alexander Wolfe, Fabien Arnaud
Rapporteurs / Rapporteuses : Marc Desmet, Alexander Wolfe

Mots clés

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Résumé

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La colonisation médiévale scandinave au Groenland (986 – 1450 AD) et la reconquête agricole récente de la région sud-groenlandaise, favorisée par le réchauffement climatique en cours, constituent un modèle de référence particulièrement adapté à l’étude des relations entre une communauté humaine et son environnement. Dans cette perspective, une étude sédimentologique multiparamètre a été réalisée sur la séquence sédimentaire du lac d’Igaliku (N61°00’22”, W45°26’28”), situé au cœur de la principale implantation médiévale et du secteur agro-pastoral contemporain. Quatre mètres de sédiments, couvrant la totalité de l’évolution holocène du lac (~10000 ans), ont été étudiés à haute résolution temporelle. L’analyse comprend une caractérisation physico-chimique (densité, susceptibilité magnétique, diagraphie XRF, imagerie rayon-X, granulométrie laser, dosages carbone, azote et souffre, ICP-AES, isotopie δ13C et δ15N de la matière organique) et biologique (pollen, microfossiles non polliniques, diatomées) du sédiment. Vingt-huit datations radiocarbones, ainsi que la mesure l’activité du 210Pb et du 137Cs, permettent d’interpréter le signal sédimentaire dans un cadre chronologique très précis et de reconstruire l’évolution postglaciaire du lac et de son bassin versant, soumis aux contraintes glacio-isostatiques, aux forçages climatiques et aux impacts anthropiques. La première phase d’évolution du système lacustre est principalement sous contrôle isostatique avec une transition rapide d’un environnement marin pro-glaciaire vers un environnement lacustre après émersion du bassin, il y a 9500 ans. Par la suite, la séquence témoigne de l’évolution paléoclimatique de la région. Les paramètres limnologiques et terrestres suggèrent un réchauffement précoce, probablement interrompu par une période froide, sèche et venteuse entre 8600 et 8100 ans cal BP. Un second événement sec et venteux, de 5300 à 4800 ans cal BP, précède la transition néoglaciaire, qui se caractérise, à Igaliku, par une évolution vers un climat plus humide et peut-être plus froid à partir de 4800 cal BP, provoquant une mutation majeure des conditions écologiques terrestres et aquatiques. La diminution des flux de grains de pollen indique un refroidissement notable à partir de 3000 cal BP. Vers l’an 1000, suite à l’arrivée des colons scandinaves, le système lacustre passe sous un contrôle anthropique dominant. Le défrichement et l’introduction d’herbivores domestiques dans le bassin versant du lac produisent un doublement du taux d’érosion des sols (de 4 mm/siècle à 8 mm/siècle vers 1200 AD) et une modification de la qualité des influx organiques. Pour autant, les assemblages de diatomées indiquent que l’écologie du lac n’a été que faiblement affectée par l’agriculture médiévale. A partir de 1325 AD et jusqu’à la fin de la colonie scandinave, vers la moitié du XVe siècle, la végétation présente des signes de résilience et l’érosion des sols régresse. Cette déprise agro-pastorale, probablement en relation avec les prémices du Petit Âge Glaciaire, est en phase avec une importante mutation des pratiques de subsistance attestée par l’archéologie. Le retour du pastoralisme au début du XXe siècle marque une reprise des processus d’érosion, similaires, en intensité, à ceux engendrés par les colons scandinaves. En revanche, l’intensification et la modernisation des pratiques agricoles dans les années 1980 est responsable d’une érosion des sols spectaculaire (~21 mm/siècle) et d’une mutation de l’écosystème lacustre (eutrophisation) sans précédent depuis la formation du lac, il y a 9500 ans. Les effets combinés de l’agriculture et du réchauffement climatique en cours (amorcé dans les années 1920 à Igaliku) aura des conséquences environnementales difficiles à prévoir pour l’avenir de la région