Thèse soutenue

Rôle de UHRF1 et de ses partenaires dans la régulation épigénétique des gènes suppresseurs de tumeurs

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Auteur / Autrice : Mayada Jreda
Direction : Christian Bronner
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie cellulaire et moléculaire
Date : Soutenance en 2011
Etablissement(s) : Strasbourg

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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La mémoire d’une cellule, c'est-à-dire sa capacité à exprimer un nombre bien défini de gènes est liée entre autres à la présence de petites modifications appelées modifications épigénétiques, positionnées sur la cytosine ou sur certains acides aminés des histones. Ces modifications déterminent la nature et les fonctions d’une cellule. Lorsque les cellules se multiplient, elles doivent transmettre ces informations à la descendance en recopiant fidèlement les méthylations de l’ADN et le code histone au bon endroit. La maintenance des profils de méthylation de l’ADN est réalisée par la DNMT1 (DNA MethylTransferase 1) qui est la plus abondante des méthyltransférases de l’ADN dans les cellules somatiques et a une préférence pour l’ADN hémi-méthylé et pour cela elle est considérée comme l’enzyme principale responsable de la duplication et de la maintienne des patrons de méthylation de brin parental au brin fille après la réplication de l’ADN. Incontestablement, l’UHRF1 (Ubiquitin-like containing PHD and RING Finger Domain 1) apparaît de plus en plus comme un acteur essentiel dans la duplication de l’information épigénétique. L’UHRF1 est surexprimée dans plusieurs lignées cancéreuses dans lesquelles des modifications aberrantes des profils de méthylation de l’ADN et du code histone ont été constamment identifiées. L’UHRF1 joue un rôle en tumorigénèse par la dérégulation de l’expression des gènes qui sont bien connus pour jouer un rôle primordial en cancérogénèse comme les gènes topoisomérase II RB1, p16INK4A, p14ARF et RAR. L’UHRF1 est requise pour la prolifération cellulaire particulièrement pour la transition G1/S. L’UHRF1 pourrait contribuer à la cancérogénèse par la répression permanente de l’expression des gènes suppresseurs de tumeurs aboutissant à la perte du contrôle de la transition G1/S du cycle cellulaire. L’UHRF1 contient dans sa structure cinq domaines fonctionnels: le domaine « Ubiquitin-like » (NIRF_N domain) qui pourrait être impliqué dans l’interaction de l’UHRF1 avec le protéasome. Le « Cryptic Tandem Tudor Domain » (TTD domains) qui pourrait être impliqué dans la di / triméthylation de lysine 9 de l’histone H3. Le domaine PHD « The Plant Homeo Domain » qui est capable de lire le code histone et de discriminer entre les H3K4me3 et H3K4me2 (Histone 3 di- tri-méthylée à la lysine 4). Il a été proposé que le domaine PHD pourrait promouvoir l’activation génique ou la répression via son interaction avec H3K4 triméthylée et cette modification est une modification universelle de l’activation génique. Le « Set and Ring Finger Associated Domaine » (SRA domain) qui est trouvé seulement dans la famille UHRF chez les mammifères, est capable d’interagir à la fois avec HDAC1 (Histone DeACetylase 1) et les îlots CpG méthylés. Enfin, le domaine RING Finger « Really Interesting New Gene » qui a une activité E3 ligase pour l’histone H1, H2B et H3 mais assui pour la DNMT1. La présence de ces cinq domaines dans la structure de l’UHRF1 suggère que l’UHRF1 a la faculté de lire et réguler le code épigénétique. Pour comprendre le rôle de l’UHRF1 dans la régulation du code épigénétique et dans le but de rechercher des protéines qui pourraient interagir avec le domaine SRA de l’UHRF1, nous avons fait appel au système du double hybride en collaboration avec la société Hybrigenics (Paris). Plusieurs clones codants pour une séquence de 215 acides aminés ont été isolés, et montrent 100% d’homologie avec une séquence de la DNMT1 humaine. Nous avons appelé ce nouveau domaine de la DNMT1 le «SRA-binding domain » (SRA-BD). Cette interaction a été confirmée par GST-pull down et co-immunoprécipitation dans les cellules Jurkat et les cellules musculaires lisses immortalisées (SMC1-HVT). Ces résultats sont en accord avec d’autres travaux dans lesquels l’UHRF1 est proposée pour être capable de recruter la DNMT1 à l’ADN hémi-méthylé pour une duplication fidèle des patrons de méthylation de l’ADN. La structure du domaine SRA montre que ce domaine se comporte comme une « main », dont deux «doigts» font basculer une cytosine méthylée dans le grand sillon de l’ADN, permettant ainsi à la « paume » d’interagir avec le groupement méthyle. Ce mécanisme est appelé «methyl-cytosine-base-flipping mechanism». Pour comprendre le rôle de ce complexe UHRF1/DNMT1 sur l’expression génique des gènes suppresseurs de tumeurs p16INK4A, RB1 et sur l’expression du gène Facteur de Croissance Endothélial Vasculaire (VEGF), nous avons analysé leur expression dans les cellules « knocked-down » pour l’UHRF1 ou pour la DNMT1. Nous avons trouvé que la perte de fonction de l’UHRF1 ou de la DNMT1 aboutit à la diminution de l’expression du gène du VEGF, un facteur pro-angiogénique majeur tandis que les expressions des gènes suppresseurs de tumeurs p16INK4A et RB1 ont été significativement augmentées. Ces résultats indiquent que l’UHRF1 et la DNMT1 sont impliquées dans l’expression du gène VEGF probablement par l’interaction du domaine SRA de l’UHRF1 avec un nouveau domaine de la DNMT1 « SRA-BD » et l’augmentation de l’expression de p16INK4A. Nous avons proposé que la méthylation de l’ADN, l’ubiquitination et l’acétylation des histones soient présentées dans un grand complexe impliqué dans la réplication du code épigénétique que nous avons appelé « ECREM » pour « Epigenetic Code REplication Machinery », comportant Tip60 (Tat-interactive protein, 60 kDa). Tip60 est une histone acétyltransférase avec une spécificité vers la lysine 5 of H2A (H2AK5) et joue plusieurs rôles dans les processus du remodelage de la chromatine. Les expériences de co-immunoprécipitation et immunocytochemistrie ont montrées que Tip60 est présente dans le même complexe macromoléculaire avec l’UHRF1, la DNMT1 et HDAC1. Le « knockdown » de l’expression de l’UHRF1 ou de la DNMT1 par RNA interférence, augmente l’expression de Tip60 mais diminue significativement le niveau de l’acétylation de H2AK5. Ces résultats suggèrent que l’UHRF1 et la DNMT1 sont requises pour acétyler H2AK5 et que Tip60 participe à un grand complexe comportant UHRF1, HDAC1 et DNMT1 responsable de la réplication du code épigénétique. Ainsi, un effet direct de l’UHRF1 sur le code histone pourrait être dû à son activité enzymatique (E3 ligase) alors qu’un effet indirect pourrait être produit par le biais de son association avec ses partenaires. Ces résultats suggèrent que l’UHRF1 commande et régule le lien entre les modifications des histones et la méthylation de l’ADN dans le contexte de l’angiogénèse tumorale et la répression des gènes suppresseurs de tumeurs. Le « knockdown » de l’UHRF1 provoque une diminution du niveau de la méthylation de l’ADN et modifie la structure chromatinienne. La méthylation de l’ADN régule les modifications des histones considérant que la perte de la DNMT1 dans les cellules humaine du cancer du colon résulte en une diminution et distribution de H3K9me3 (histone H3 triméthylée sur la lysine 9). L’UHRF1 est nécessaire pour la maintenance des méthylations de l'ADN et interagit également avec H3K9me3 d’une manière indéterminée. Nous avons montré que l’UHRF1 contient un Tandem Tudor Domain (TTD) qui reconnaît les extrémités N-terminales de l’H3 associées à la lysine 9 triméthylée et à la lysine 4 non modifiée (H3K4me0/K9me3). La suppression de H3K4 montre l’importance de l’H3K4 non-modifiée pour que le domaine TTD de l’UHRF1 puisse reconnaître l’H3K9me3. L’UHRF1 déficiente en termes d’affinité pour l’H3K9me3 montre des localisations modifiées dans l’hétérochromatine et ne parvient pas à maintenir la répression d'un gène cible, p16INK4A. La capacité de TTD d’interagir avec l’histone H3K9me3 et avec l’histone H3K4 non-modifiée dans le même peptide suggère que la méthylation de l’ADN et les modifications des histones répressives sont fortement coordonnées par le biais de l’UHRF1, probablement par le recrutement des enzymes modificatrices de la chromatine HDAC1, DNMT1, Suv39H1 et G9a. L’ensemble de ces travaux nous a amené à mieux comprendre le rôle de l’UHRF1 et de ses partenaires DNMT1, HDAC1 et Tip60 dans la régulation du code épigénétique et dans la régulation de l’expression de certains gènes suppresseurs de tumeurs (p16INK4A et RB1). De même nos études soutiennent le fait que de trouver un inhibiteur spécifique de l’UHRF1 serait très intéressant pour une stratégie anti-cancéreuse ciblant la transmission de l’information épigénétique d’une cellule mère cancéreuse aux cellules filles.